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Cinéma

[Interview] Souillon, dessinateur au service de Maliki

Au sein du stand d’Ankama à Japan Expo 2010 se trouvait Souillon, dessinateur au service de la malicieuse Maliki, qui signait des autographes pour le compte de l’insaisissable bloggueuse. En projet de déclinaison sous forme de dessin animé, Maliki semble avoir encore de beaux jours devant elle. C’est avec plaisir que l’équipe de GentleGeek a fait connaissance avec un dessinateur pour le moins original. Interview…

GentleGeek : Pour partir des bases, une question un peu bateau : comment est née Maliki ?

Souillon : C’est vaste ! Elle est née en 1995. C’est un personnage qui s’est dessinée toute seule – en tout cas dans le concept – et qui a décidé de se lancer sur le web en 2004, un peu comme avait fait le groupe Gorillaz qui avait lancé un groupe de musique avec des musiciens virtuels. Le principe de Maliki c’était donc un personnage autonome qui dessine tout seul et qui se met en scène sur internet. Donc moi je suis uniquement la personne qui sert d’interface entre le public et Maliki quand il faut venir faire des dédicaces, interagir dans le monde réel.

Ça vous arrive de vous sentir dépassé par cet univers dominé par Maliki ?

Pas forcément, vu qu’on est seuls à travailler dessus. On fait vraiment ce qu’on veut sans ligne directrice étant donné que ce sont des billets d’humeur. Puis ça peut être très « dark », très « youpi », ça dépend vraiment de l’humeur de la miss. En termes de marketing, pas tellement non plus, on a notre mot à dire sur tout : produits dérivés, conception des albums, même les formats de commercialisation. On a le droit de dire oui ou non, on ne nous a jamais rien imposé de ce côté-là.

Vous n’aimez pas qu’on compare votre style au « manga »…

Je n’apprécie pas trop déjà parce que « manga » et « BD » c’est la même chose : « manga » veut dire « BD » en japonais. C’est un mot tiroir. Tezuka et Hōjō font du « manga » et ont des styles et des méthodes totalement différents. Pour moi il y a de la BD en France, du manga au Japon, mais c’est exactement la même chose. Après, il n’y a que des influences, des styles, des techniques. Je trouve que « faire du manga » est un peu réducteur, simple. Ce n’est pas du tout un gros mot ni vexant mais je trouve que ce n’est pas pertinent.

Êtes-vous client de ce genre de bande dessinée ?

Je suis client de toute sorte de bande dessinée que ce soit japonaise, belge, les comics aussi. Je ne suis pas arrêté à un genre. Après, c’est vrai qu’on me catalogue « manga » puisque j’ai un style fortement japonisant, j’ai été nourri à ça quand j’étais plus jeune. Quand j’ai commencé à dessiner, je ne me suis pas demandé qui j’allais imiter. J’ai fait ce que je pouvais. Cela n’empêche pas que Maliki possède beaucoup d’autres influences, notamment au niveau du scénario qui vient plutôt du franco-belge, et au niveau des dialogues qui peuvent venir un petit peu du comics.

Une série animée est en préparation sur le personnage de Maliki

On a fait un petit pilote, un petit test en animé, pour voir si on était capable de le faire, si ça fonctionnait. Une bible littéraire et graphique a été écrite, ainsi que quelques pitchs. On a réalisé un dossier assez complet sur le reste de la série. On l’a présenté à des chaînes, des diffuseurs et maintenant il faut attendre d’avoir les réactions. C’est plutôt bien parti, mais rien n’est encore signé pour l’instant.

Il y a une différence au niveau des personnages et du scénario ?

Ce sont les mêmes personnages, le même univers, sauf que l’éclairage est un peu différent. On avait envie de l’orienter un peu plus délirant, un peu plus arcade. Généralement, quand on adapte une BD en dessin animé, on prend un risque que ça devienne assez mou puisque les rythmes ne sont pas les mêmes, ni les méthodes de narration, et pour nous il fallait vraiment faire des histoires originales, dans un univers original et vraiment adapté au format dessin animé. Donc on a fait un nouveau scénario et donné aux personnages des capacités supplémentaires. Ils ont donc des pouvoirs un peu débiles, qui vont servir de point de départ à des aventures un peu plus burlesques. La base sera toujours de la vie quotidienne, mais ça risque de partir sérieusement plus en vrille que la bande dessinée. On va s’écarter beaucoup plus de la réalité. Mais ça restera un univers contemporain, urbain, comme déjà dans la BD.

Cette série animée viserait quel public ?

Idéalement ce serait le même que le blog mais, au niveau des chaînes, les dessins animés sont encore hyper connotés pour les enfants, donc on a tablé sur un public plutôt enfants/ados. On n’a pas encore vraiment de créneau mais on va essayer de viser assez large pour que ce ne soit pas un énième dessin animé enfantin. Il y a pas mal de choses qui se font maintenant qui commencent à sortir des sentiers battus : Monsieur Bébé, Mandarine & Cow, avec des dialogues qui font un peu sitcom et qui peuvent plaire aussi aux adultes qui regardent le dessin animé. C’est vers cela qu’on va essayer de tendre.

Et quelle casquette auriez-vous sur la série animée ?

Sur le pilote j’enpartageais beaucoup avec Maliki, et j’espère que j’en aurai moins sur la série. Sur le pilote j’ai participé aux scripts, au storyboard, à l’animatique,à la réalisation, à la remise en modèle des personnages. Je pense que sur la série je ferai la même chose sur le départ, puis ensuite je délèguerai. En tout cas je participerai à tous les scripts, ça c’est sûr, mais après j’essayerai de déléguer le storyboard, la réalisation, au bout d’un moment quand on sera rodés, histoire de ne pas mourir trop jeune. (rires)

Combien de temps consacrez-vous au blog par semaine ?

Environ 20-25 heures par semaine. Ça dépend de la taille de la BD, si elle est très courte 10-15 heures, mais c’est souvent au dessus, en fait. Ça explique que certaines semaines il n’y a rien en ligne. En fait, la BD c’est quelque chose que je fais en dehors du boulot, étant employé à plein temps chez Ankama, donc Maliki c’est quelque chose que je fais les week-end et le soir. Je n’ai pas toujours le temps de faire quelque chose d’hyper abouti. C’est pourquoi j’ai choisi le format internet et blog, car on n’a pas forcément une obligation de format et de contenu, on peut mettre une image une semaine et puis faire un truc de 5 pages la semaine d’après si on a du temps. Au début c’était plus un défouloir et un labo que quelque chose de réfléchi et formaté.

Quelle est votre formation professionnelle et comment avez vous intégré Ankama ?

J’ai une formation scientifique jusqu’en terminale, puis arts appliqués pendant 3 ans en fac – en fait je n’y suis pas beaucoup allé, c’était très théorique, du coup j’ai essayé de me former dans mon coin à dessiner. Après comme c’était trop dur j’ai arrêté le dessin et j’ai fait 2 ans de formation multimédia aux Gobelins à Paris. Et ensuite j’ai commencé à travailler dans l’infographie, le webdesign, la vidéo. Et c’est là que j’ai commencé à mettre Maliki sur Internet faire des petits dessins à côté. Et finalement j’ai basculé du multimédia/Infographiste vers le dessin quand Ankama m’a contacté pour éditer Maliki.

J’avais fait une petite BD qui parlait de Dofus, le jeu d’Ankama, et ça s’est retrouvé sur un forum de l’agence et j’ai été contacté. Au final, Maliki m’a tout ouvert. Par la suite, j’ai travaillé un petit peu sur le jeu Wakfu et sur quelques épisodes du dessin animé, sur le design des personnages, puis le pilote de Maliki, à plein temps.

Et au niveau bande dessinée, d’autres projets en parallèle?

Oui, j’essaye. C’est un peu dur en ce moment, mais il y a d’autres projets dans les cartons dont un qui est déjà bien avancé. C’est un projet d’album de Maliki mais en histoire longue. C’est-à-dire 60 pages sur cet univers et traité de façon très différente. Autant du côté dessin animé on essaye de tendre du côté grand public, autant pour la BD je vais tendre vers quelque chose d’un peu plus adulte. Donc le prochain ce sera déjà dans un autre label en principe, un label adulte.

Ce sera la post-adolescence de Maliki, qu’est-ce qui a fait qu’elle devienne comme ça. En fait on part du principe que sur le site, comme c’est elle qui se représente, et elle passe sous silence et édulcore tout ce qu’elle veut. Dans cette BD ce sera une caméra extérieure : on verra la vraie Maliki telle qu’elle est, sans concession, et tout ce qu’on y voit pas, tout ce qu’elle ne montre pas dans ses BD. Ce sera beaucoup plus sombre –on va dire – ce sera toujours drôle mais un peu plus cynique que drôle. Le personnage se fait pas mal égratigner car elle est assez bête et se cherche pas mal. En même temps ça risque de la rendre plus humaine, et donner un renouveau au personnage aussi. Car c’est vrai que pour l’instant elle n’est pas hyper humaine, il y a plein de choses qu’on ne voit pas de sa vie.

Donc vos projets sont exclusivement orientés sur ce personnage ?

J’en ai un autre, j’en ai déjà parlé il y a un an, mais il n’est pas commencé, je verrai quand je serai déjà dedans. J’avais prévu une série un peu ado, un peu comme ce qu’il peut se faire dans le Tchô, c’est-à-dire des petits épisodes de 12/15 pages. Ce serait sur un autre univers, plus scolaire, avec des ados qui vont à l’école, et qui ont des pouvoirs un peu surnaturels.

Est-ce que vous avez déjà pensé à l’après Maliki ? N’avez-vous pas peur de continuer à être assimilé à ce personnage derrière lequel – paradoxalement – vous avez tendance à vous cacher ?

Je pense qu’au contraire le jour où je voudrai faire complètement autre chose ce sera très bien que je puisse complètement me débarrasser de l’enveloppe Maliki et commencer quelque chose limite de façon anonyme. Quand j’aurai envie de changer, quand j’aurai envie de faire autre chose, ça sera pour faire mes preuves sur un autre thème, un autre sujet ou un autre format et quelque part j’aurai besoin de savoir si ça marche vraiment par rapport à ce que j’ai fait ou parce que je suis connu sur autre chose. Donc si je sors une autre BD ce sera certainement à mon nom et on ne dira pas forcément « par le dessinateur de Maliki ». Ça sera peut être plus valorisant pour moi si ça marche que si je m’assois sur quelque chose de déjà fait.

Merci à Souillon et à Florence Di Ruocco, attachée de presse de Ankama.

Interview réalisée par Aka et Arnaud D. pour GentleGeek.net

Tags : ankamabdinterviewJapan Expomalikimangasouillon
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !

3 commentaires

  1. … et voilà encore et toujours on pense que « manga » veut dire BD alors qu’en fait ça veut dire  » dessin réalisé rapidement » , « esquisse  » ect…
    Et c’est Hokusai qui a crée ce therme qui a la base est féminin.

Commentaires