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Cinéma

[Critique] Scott Pilgrim vs the World, chronique d’un étonnant échec

Echec cuisant aux Etats-Unis, sortie repoussée et confidentielle en France : le film Scott Pilgrim vs the World est l’un des flops majeurs de 2010. Pourtant, la nouvelle réalisation d’Edgar Wright avait tout pour cartonner… Aux yeux des geek tout du moins.

Scott Pilgrim est un jeune geek canadien de 23 ans qui vit de petits boulots, et surtout aux crochets de Wallace Wells, son colocataire gay et désabusé. Bassiste dans un groupe de rock, les Sex Bob-Omb, Scott sort depuis peu avec Knives Chau, une ado asiatique de 17 ans qui l’adule littéralement. Scott mène une vie relativement normale, jusqu’à ce qu’il croise le chemin de Ramona Flowers, une mystérieuse jeune fille qui, pour livrer ses colis Amazon, passe par l’esprit de Scott… Ce dernier invite Ramona à sortir, et elle accepte. Mais l’amourette sans nuage ne va pas durer bien longtemps, et Scott va vite se rendre compte que Ramona traîne une véritable batterie de casseroles derrière elle : 7 ex-petits amis maléfiques, dotés de pouvoirs surnaturels, que notre héros geek va devoir affronter un par un pour espérer rester avec sa dulcinée aux cheveux colorés. La tâche s’annonce rude.

Scott et Ramona, une histoire à tirer par les cheveux.


Fail

Rempli de références à la geek culture, aux jeux vidéo, aux comics ou encore aux films d’action de série B, Scott Pilgrim vs the World est un véritable délire, aussi bien scénaristique qu’esthétique. Adapté du comic du canadien Brian Lee O’Malley et réalisé par le britannique Edgar Wright, à qui l’on doit l’excellent Shaun of the Dead, le film s’avère extrêmement fidèle au matériau original, ce qui en fait l’une des adaptations de BD les plus poussées de ces dernières années. Pourtant, Scott Pilgrim vs the World fait partie des plus gros flops américains de 2010, n’ayant rapporté « que » 10 millions de dollars de recette, alors qu’il en a coûté plus de 60. Fail, comme dirait l’autre.

C'est sûr, au début, ça surprend.


Trop geek pour être honnête ?

La plupart des geek ayant vu Scott Pilgrim s’accordent à dire que le film est bien, bon, voire même très bon : si vous avez trouvé le film naze, ne cherchez pas, c’est juste que vous n’êtes pas geek, désolée de vous l’apprendre. Trève de plaisanteries : ce long métrage s’adresse clairement à une niche très précise, à un public très ciblé, les nerds, les geek, les gamers et autres adeptes de la pop culture. Par manque de codes, d’acceptation de postulats un peu trop délirants pour le public « standard », l’essence-même du film passe à la trappe : en somme, ce qui aurait du faire la force du film, à savoir sa grande fidélité à l’oeuvre de Brian Lee O’Malley, s’avère finalement être un handicap : trop ancré dans son délire, trop destiné à un public geek, Scott Pilgrim vs the World en oublie de se rendre accessible aux non-initiés qui composent – hélas ! – une grande partie du public qui remplit les salles. Difficile pour le spectateur lambda qui s’attend à voir un film d’action saupoudré d’une pointe d’humour de cerner la subtilité de super-pouvoirs qui sortent de nulle part, de méchants qui se transforment en pièces de monnaie une fois vaincus, de compétences de jeu de rôles qui apparaissent à l’écran lorsque le héros attrape une épée sortie d’on ne sait où, ou encore d’un musicien doté de pouvoirs psychiques parce qu’il est végétalien. Le film joue sur chaque non-sens, chaque référence, chaque allusion et n’explique finalement rien du tout et nécessite une adhésion immédiate du spectateur dès l’apparition du logo Universal couronné d’une musique en 8-bits pour espérer faire mouche. Sinon, c’est l’échec.

Les pouvoirs insoupçonnés du végétalisme.


Nerd alors !

Sorti le 13 août en Amérique du Nord et au Canada, le film a bénéficié d’un méchant bouche-à-oreille et de critiques mitigées. Un accueil qui a refroidit Universal, et qui n’a pas motivé le studio a distribuer le film en grande pompe à l’étranger, notamment en France où seules 60 copies ont circulé sur tout le territoire. Aujourd’hui quasiment plus diffusé deux semaines après sa sortie, Scott Pilgrim vs the World voit sa carrière de film geek reléguée à une poignée de salles obscures qui font de la résistance, alors que les plus geek, dépités, se sont déjà tournés vers l’édition Blu-ray dézonée du film sortie le mois dernier outre-Atlantique. Malgré l’échec commercial du film, Universal a pris la peine de proposer une édition Blu-ray soignée et riche en suppléments : on peut espérer que l’édition européenne bénéficiera d’un traitement similaire, histoire de satisfaire les fans n’ayant pas pu voir le film en salle.

En somme, Scott Pilgrim vs the World est un film qui porte extraordinairement bien son nom et qui symbolise, en quelque sorte, la relation qu’entretient le geek avec le reste du monde : l’échec de ce film qui deviendra sans doute rapidement culte dans le milieu geek – d’aucun diront qu’il l’est déjà – tend à prouver que le grand public n’est pas prêt à affronter cette « sous-culture » qui semble pourtant tant à la mode ces dernières années. Si vous voulez savoir si vous êtes un geek, un vrai de vrai, il vous suffit de passer l’épreuve Scott Pilgrim…

Tags : brian lee o'malleyCinémaCritiquefilmgeekscott pilgrim
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !