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Cinéma

[Critique DVD] Hunger Games : jeux de la faim, jeux de vilains

Vous pensez que la vie est dure ? Attendez de voir celle de Katniss !

24 adolescents, un jeu télé guerrier, un seul survivant : sur le papier, Hunger Games a tout du repompage en règle de Battle Royale, film culte japonais adapté du roman de Kōshun Takami. Sur le papier seulement… car le film de Gary Ross, tout comme le livre de Suzanne Collins dont il est l’adaptation, s’avère être à mille lieux de son homologue japonais. A l’occasion de la sortie en DVD et Blu-ray du premier volet de la trilogie Hunger Games, petit retour sur ce film qui n’égale malheurement pas sa version papier.

Chaque année, dans les ruines de ce qui était autrefois l’Amérique du Nord, le Capitole oblige chacun de ses douze districts à envoyer un garçon et une fille – les « Tributs » – concourir aux Hunger Games. Katniss, 16 ans, se porte volontaire pour prendre la place de sa jeune soeur dans la compétition et doit affronter des adversaires surentraînés qui se sont préparés toute leur vie. Pour espérer revenir un jour chez elle, Katniss va devoir, une fois dans l’arène, faire des choix impossibles entre la survie et son humanité, entre la vie et l’amour…

Vous pensez que la vie est dure ? Attendez de voir celle de Katniss !

 

Avant d’être un film, Hunger Games est une trilogie littéraire écrite par Suzanne Collins, une scénariste de programmes télé pour ados. Si les bouquins mettent en scène des populations désoeuvrées qui vivent dans des conditions précaires et meurent de faim, ils décrivent assez peu les atrocités vécues par les participants des Jeux de la Faim – comprenez par là qu’il ne faut pas s’attendre à du gore à toutes les pages – et reste très classique dans le style d’écriture. Globalement, les ouvrages se vocalisent sur la cruauté psychologique de l’univers de  Panem, sur le décalage terrifiant entre le richissime Capitole et la pauvreté des Districts, ainsi que sur le destin de son héroïne, Katniss Everdeen, qui raconte son histoire à la première personne.

Une réalisation soignée…

Ce premier volet de la quadrilogie cinématographique – le dernier ouvrage sera divisé en deux films -, réalisé par Gary Ross (Pleasantville, Pur-sang), dispose d’une mise en scène plutôt soignée. Tantôt intimiste – la vision des Districts, des plans serrés, la caméra à l’épaule – tantôt spectaculaire – l’arrivée au Capitole et dans le jeu – le film s’adapte à la situation et marque clairement la séparation entre ses deux parties, d’une durée quasiment égale : d’un côté, la mise en situation, la découverte de l’univers de Panem et les mécanismes des Jeux, et, de l’autre, les Jeux proprement dit. Dans tous les cas, on peut saluer la photographie, très soignée, qui rend honneur aux décors, clairement l’un des personnages les plus importants du film.

La première partie joue sur la préparation et sur l’aspect médiatique des Hunger Games, qui sont, au Capitole, considérés comme un jeu télévisé, sorte de télé-réalité sanglante. On peut saluer l’efficacité de la mise en scène de Ross, qui oppose le côté clinquant et l’opulence de la mise en scène de ces jeux par les riches habitants du Capitole, à une approche plus intimiste du personnage de Katniss. On trouve beaucoup de plans rapprochés de l’héroïne, plutôt silencieuse, ainsi que de nombreuses scènes filmées caméra à l’épaule. Parfois un peu trop, d’ailleurs : un peu plus de stabilité aurait souvent été appréciable.

Le calme avant la tempête.

 

La seconde partie, elle, s’avère plus hollywoodienne : plus stable, plus rythmée, elle est également plus spectaculaire et se concentre davantage sur l’action que sur l’introspection. Si la séparation franche entre les deux parties du film passe par là, c’est clairement dans la seconde que le film est le plus critiquable.

… mais une adaptation lacunaire

Hunger Games est un livre qui a beau se lire vite, voire très vite en raison de son style épuré, il n’en reste pas moins très dense en évènements, aussi bien dans la préparation d’avant les jeux que dans les jeux eux-même. Le film de Gary Ross arrive parfaitement a démarquer ces deux étapes via une mise en scène maîtrisée. Par contre, niveau scénario, on note un déséquilibrage assez flagrant dès l’arrivée dans l’arène.

Durant toute la moitié du film, on attend le moment où les personnages vont enfin s’affronter, et la façon dont Katniss va considérer sa relation avec son binôme, Peeta : car un seul concurrent va pouvoir sortir vivant de ces jeux guerriers. Tout l’enjeu du film est là, et, malheureusement, il est difficile de ne pas être déçu par le traitement qu’en fait cette adaptation : en ne consacrant que la moitié des 2h22 du long métrage à ce qu’il se passe dans l’arène tout en intégrant un maximum présent dans le livre, le film de Gary Ross a du trancher dans un élément primordial de l’ouvrage dont il est tiré : la temporalité. Dans le livre, le calvaire de Katniss et des autres concurrents prend des jours : la faim et surtout la soif en mènent certains aux portes de l’agonie, et les blessures s’infectent également dangereusement avant qu’une solution ne soit trouvée. Dans le film, les problèmes sont suivis tellement rapidement de leurs solutions que l’aspect dramatique de la situation n’a pas vraiment le temps de s’installer.

Peeta n’est pas fait de bois…

 

Concernant les mises à mort, film tout public oblige, elles se passent très souvent hors-champ ou sous l’oeil d’une caméra tellement ballottée qu’elle pousse plus à deviner ce qui se passe réellement plutôt que d’y assister vraiment : un parti-pris tout de même paradoxal, puisque les Hunger Games sont censés être retransmis à la télévision au nom d’un voyeurisme meurtrier. Le fait que le film soit adressé à un public d’adolescents a clairement poussé la production a éluder cette perspective, quitte à restreindre la réflexion du spectateur sur la cruauté des jeux…

Un Battle Royale à l’eau de rose ?

Comparer Hunger Games à Battle Royale est une énorme erreur : si les deux films – et les deux livres ! – mettent bel et bien en scène des adolescents forcés à s’entretuer dans un monde futuriste et totalitaire, c’est vraiment le seul point commun entre les deux histoires. Battle Royale ne met pas un jeu télé en scène : le massacre a lieu en toute discrétion, jusqu’à la fin où le « gagnant » est révélé. Hunger Games est clairement un spectacle, à l’image de celui présenté dans le film Live ! où les candidats jouent à la roulette russe en direct – à un détail près : dans ce film, les participants sont volontaires.

Le point à ne pas mettre de côté dans Hunger Games est celui qui concerne ses deux personnages principaux, Katniss et Peeta. On ne va pas mentir : Jennifer Lawrence est présente à l’écran environ 95% du film. Elle porte l’histoire – et toute la misère du monde, au passage – sur ses épaules… et elle s’en sort plutôt bien en jouant une Katniss proche de celle du livre, solitaire, sauvage mais quand même touchante. L’actrice avait déjà montré son talent pour les rôles d’ado accablée mais battante dans l’intimiste Winter’s Bone, et dans une toute autre mesure dans X-Men: First Class. Josh Hutcherson, qui incarne Peeta, est quant à lui moins présent à l’écran mais se révèle tout de même convainquant en jeune homme discret, en proie aux doutes et aux enjeux de la situation.

Tous avec Katniss !

 

La réunion des deux personnages dans la dernière partie du film aurait dû être la clé des enjeux de l’histoire : malheureusement, là encore le long-métrage rate son coup. Trop concentré sur la dimension sentimentale de l’intrigue finale, Gary Ross échoue à montrer l’une des facettes pourtant prédominante de Katniss : la peur de la proximité et la peur du futur. Si cette héroïne est clairement présentée comme une survivante, le film ne parvient pas à illustrer toute la complexité de ses relations avec les autres, et en particulier avec Peeta. Pour ça, il n’aurait pas fallu grand-chose, peut-être une scène supplémentaire seulement : scène qui, d’ailleurs, conclut le livre.

En somme, loin d’être un mauvais film, Hunger Games laisse – sans jeu de mots ! – sur sa faim, en préparant le spectateur a quelque chose de magistral qui n’arrive pas vraiment au final. Servi par des effets spéciaux et une photo de qualité, ainsi que par des acteurs convaincants, le film manque de profondeur pour faire partie de ces titres marquants, malgré un sujet impactant. Dommage que Gary Ross se contente de réaliser une production adolescente malgré l’ambition de ses premières scènes. Reste à savoir si la suite sera du même niveau.

Le DVD

Nous avons eu l’occasion de tester le DVD d’Hunger (dont des captures d’écran peuplent cette critique). La qualité d’image est très satisfaisante, même si on n’échappe pas à un grain présent dans les zones sombres de l’image. La colorimétrie rend par ailleurs très bien hommage à la photographie du film, qui oppose la grisaille des Districts aux couleurs du Capitole, et laisse une place de choix aux forêts verdoyantes.

Côté son, la version française comme la version originale disposent de pistes Dolby Digital 5.1 offrant une bonne immersion sonore, grâce à un bon équilibre entre dialogues, bruitage et musique d’ambiance. La piste anglaise est tout de même un ton au-dessus.

Enfin, pour ce qui est des suppléments, sachez que l’édition simple du film en DVD n’en propose aucun, si ce n’est quelques bande-annonces de l’éditeur Metropolitan. Il faut se tourner au choix vers l’édition collector DVD ou vers le Blu-ray pour bénéficier d’une pléthore de suppléments, cumulant plus de 3 heures de making of et de contenu inédit. Pour quelques euros de plus, ça vaut grandement le coup.

Hunger Games de Gary Ross, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth… déjà disponible en DVD, DVD Collector et Blu-ray.

Tags : Gary RossJennifer LawrenceSuzanne Collins
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !

2 commentaires

  1. Un film que j’avais bien aimé malgré l’orientation ado.
    Un peu long et mou par moments mais je l ‘ai trouvé assez fidèle au livre.

  2. Juste un petit détail. A part ceux du district 1 (et peut-être 2, je m’en souviens plus vraiment vu leur importance…), tout les autres tributs des districts ne sont pas du tout volontaire. Katniss fait même clairement office d’exception. De ce côté là, justement, ça se rapproche bien du Battle Royale, avec la classe tirée au sort (et donc les élèves qui servent en gros de tributs) et les deux « Volontaire » vachement plus aptes à survivre dans ce monde.
    Ensuite, oui, je suis d’accord, la comparaison s’arrête là. Le monde de Hunger Game avec son Capitole est vraiment cynique et l’assume parfaitement, très manichéens et se concentre dessus alors que le monde de Battle Royale est plutôt en recherche d’humanité, ni tout blanc, ni tout noir. C’est le comportement des élèves qui est intéressant, là où Hunger Game se moque au final royalement de ce qu’il se passe dans son jeu, ne restant qu’en surface. C’est juste du cirque (même si comme il est dit dans la critique, on en a pas pour son argent… sérieux… on veut nous créer une génération de jeunes effarouchés incapable de voir la moindre goutte de sang ou quoi ? XD).

    ‘fin, je suis parfaitement d’accord avec la critique. Le début est prometteur puis au final, pas grand chose, le Hunger Game lui même est assez peu développé, tout se déroule trop vite et en surface, sans creuser, pour avoir un réel impact. Perso, le film ne m’a pas vraiment plu mais il a le mérite de présenter un univers dont j’attends de voir la suite, voir si ça se développe (même si au final, vu que c’est pour ado, j’en attends au final pas grand chose ^^ »).

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