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Avec In Memoriam, Eric Viennot et Lexis Numérique posaient déjà des bases d’une expérience transmédia, et ouvraient ainsi la voie pour Alt-Minds. Ni complètement un jeu vidéo, ni tout à fait une série télé, Alt-Minds se voulait une expérience différente, interactive, communautaire.
Les premières semaines étaient prometteuses. L’enquête maintenant résolue, après moult pérégrinations, quel bilan tirer de cette fiction totale  ?

Chloé
Chloé

Dès le départ, les choses sont claires : on nous parle de « fiction totale » et « d’aventure transmédia ». Une aventure qui s’inscrirait dans une autre réalité (c’est le principe de l’ARG, me direz-vous), et qui se raconterait en profitant de tous les outils à sa disposition : vidéos, Internet, réseaux sociaux, téléphone, en tentant, autant que faire se peut, d’inclure le joueur-spectateur, dans une démarche immersive et participative.

Alt-Minds, c’est donc  un concept novateur, terriblement attirant, et il faut le dire, plutôt ambitieux, dont on voit l’histoire s’écrire en temps réelavec notre participation.

Mais il y a parfois loin de la coupe aux lèvres.

Bref rappel du décor :

La Fondation Alvinson finance de nombreux projets de recherches, notamment celui d’une équipe de cinq étudiants basés à Belgrade, le MHD6. Le 20 juin 2012, ils disparaissent, sans que personne ne s’inquiète outre mesure : ils ont peut-être pris des vacances sans rien dire.

Mais fin juillet, à Donetsk (en Ukraine), un blogueur filme par hasard ce qui semble être l’enlèvement d’Hisham, l’un des membres du MHD6. L’équipe est donc officiellement portée disparue.

Malheureusement, l’enquête de la police locale piétine, et plus de deux mois après, on n’est pas plus avancé. La Fondation décide alors d’organiser elle-même les recherches. Pour ce faire, elle rassemble les documents relatifs au MHD6 qu’elle a en sa possession, les met à la disposition d’internautes volontaires pour aider l’enquête et envoie parallèlement une enquêtrice et un cameraman (Audrey et Gaël) à Belgrade, et deux enquêteurs (Peter et Fabio) à Donetsk. Ils deviennent, en quelque sorte, les yeux et les oreilles des internautes.

Pour relever un peu la sauce, un mystérieux corbeau, The_Donetsk_Voice, envoie à la Fondation des vidéos mettant en scène le MHD6 dans leur labo de l’université, avant leur disparition, non sans y avoir au préalable caché des messages fort louches.

Une fois intronisé alt-minder par Chloé, votre charmant contact à la Fondation, à vous d’aider à démêler cet imbroglio mystérieux, avec pour seuls outils votre cerveau et le dashboard. Le dashboard, c’est l’interface de l’enquête, qui réunit les documents à votre disposition, une timeline, une messagerie privée (pour envoyer des messages soit aux enquêteurs de la Fondation, soit aux autres alt-minders), et quelques outils d’analyse d’image.

Si dans les premiers temps, la partie « gameplay » de l’enquête consiste uniquement à résoudre la mission quotidienne, elle s’enrichit au fur et à mesure de la progression de l’histoire.

alt minds dashboard
Mesdames, Messieurs, le dashboard

 

Tout alt-minder qui se respecte trouvera donc sur sa route les fameuses missions : quasi-quotidiennes, elles sont données le plus souvent en fin de journée, et demandent de révéler un message caché dans une vidéo, d’identifier une personne, de trouver un lieu, de déchiffrer un message, etc. Le tout en utilisant, en plus des outils de votre dashboard, les ressources du net : du moteur de recherche à l’article Wikipédia, en passant par Google Earth et ses fonctionnalités, sans oublier Facebook et les sites créés pour l’occasion.

Alors, si on en juge d’après le forum et la page Facebook que certains membres de la communauté ont créés pour l’occasion, ces missions sont loin de faire l’unanimité : trop simples pour certains, parfois trop difficiles pour d’autres, pas assez variées (il est vrai qu’il y a eu pléthore de points à marquer sur des cartes), il y a toujours quelque chose à redire. De plus, le système de scoring (qui a gâté pas mal de choses) récompense les premiers à résoudre une mission. Des plaintes se sont donc  élevées aussi concernant les horaires : entre 18h et 19h30, les gens rentrent du boulot, de cours, s’occupent de leurs enfants, et ne sont pas forcément disponibles. En même temps, lorsqu’une mission a été proposée à 11h du matin, d’autres ont argué qu’à cette heure-ci, seuls des no-life ou des étudiants sont devant leurs PC ou tablettes… Vous avez dit « jamais contents » ?

Certes, une mission tous les jours à la même heure, ça casse l’ambiance immersive. Mais il faut bien tenter de marier la réalité avec la réalité alternée, et le début de soirée paraît un compromis acceptable.
Le contenu des missions, quant à lui, ne manquera pas non plus de diviser : si vous vous attendez à des énigmes capillotractées, vous serez déçus, les missions étant bien plus terre à terre, à quelques exceptions près. Un peu plus de folie et de difficulté auraient été les bienvenues.

Vite, tripotons les contrastes !
Vite, tripotons les contrastes !

 

Une fois le principe des missions acquis, viendra s’ajouter au cours de l’histoire une sorte d’interface intelligente, que nous nommerons, pour éviter de spoiler, Philémon (parce que c’est un joli prénom, et parce que ça rime avec papillon). Philémon sera source d’informations pour les joueurs, qui pourront lui soumettre des noms, des mots, des documents : les réponses, sibyllines, parfois poétiques, outre leur caractère purement informatif, entretiennent clairement l’ambiance du jeu, et en ça, Philémon est une réussite.

En revanche, le système de score laisse à désirer  : vous marquez des points lorsque vous soumettez des mots à Philémon et qu’il vous répond. Mais si vous lui soumettez une personne, ça devient un peu n’importe quoi. Par exemple, vous voulez savoir ce que sait Philémon de Chloé Bernier : tapez Chloé, marquez 100 points, tapez Bernier, marquez 100 points de plus, tapez Chloé Bernier, et bim, encore 100  points. Pour la même information délivrée. On atteint des sommets si la personne a un titre : le professeur Charles Xavier, par exemple, pourra vous rapporter jusqu’à 600 points selon les combinaisons entrées. Notre petit Philémon est donc une machine à farmer, bien malgré lui, ce qui n’a pas manqué de frustrer ceux qui s’attachent au score. Et en même temps, s’il y a un score, s’y attacher ne parait pas complètement absurde.

Et puisqu’on en est à parler de score et de farming intensif, parlons donc du site mobile et PC basé sur la géolocalisation qui est révélé aux joueurs en cours de route. Le principe en est simple : il faut trouver certains éléments, disons des papillons, pour rimer avec Philémon, disséminés un peu partout dans le monde, en battant la campagne (ou la ville) armé de son smartphone. Le site vous localise, vous localisez vos proies, et bim ! Vous lancez votre filet. Chaque lancer consomme plus ou moins d’énergie, et quand la jauge est vide, il faut attendre. Ou payer pour qu’elle remonte.
Dans le principe, c’est plutôt sympa. Dans les faits, à moi la peur !

L'interface est la même sur PC. Juste, l'écran est plus grand x)
L’interface est la même sur PC. Juste, l’écran est plus grand x)

 

A moi la peur parce que le site mobile, malgré tous mes efforts, n’a jamais réussi à utiliser le GPS de mon smartphone pour me localiser. La localisation via la 3G étant aussi précise qu’une taupe qui joue aux fléchettes, et le WiFi plutôt rare au milieu des vignes, autant dire que j’étais super bien localisée. Et quand vous vous rapprochez d’un papillon mais que votre téléphone vous indique toujours à trois bornes, c’t’un brin agaçant.
A moi la peur, du coup, pour le principe de payer pour augmenter sa capacité de chasse ou pour recharger sa barre d’énergie. Certes, Alt-Minds coûtait 15 €, pour huit semaines d’aventure, on peut se fendre d’une poignée d’euros supplémentaires pour l’application. Mais étant donné le montant d’énergie nécessaire à une chasse correcte, surtout avec la localisation hasardeuse, il faut avoir du temps ou beaucoup d’argent pour parvenir à capturer tous les papillons. Ou tricher en faisant mentir la géolocalisation sur PC, mais c’est un autre débat.

A moi la peur, encore, pour les chasses collectives : certains papillons, plus coriaces, nécessiteront d’être capturés à plusieurs. En habitant dans une grande ville, on trouve sans problème des compagnons de chasse. En plein milieu de nulle part, c’est moins sûr. Du coup, soit vous abandonnez les recherches, soit vous payez pour augmenter votre rayon d’action de plusieurs centaines de kilomètres, soit d’autres payent pour venir chasser avec vous… Dans tous les cas, l’équilibre entre les joueurs est rompu, même si le principe de la chasse à plusieurs était un plus indéniable pour l’aspect communautaire.

A moi la peur, toujours, devant l’inventaire rébarbatif au possible et le système d’échange laborieux en diable : il y a plusieurs centaines d’items, organisés sur une page qui n’en affiche que dix-huit. Si le principe qui permet de faire défiler les éléments est assez simple, leur nombre rend la chose ardue, on s’y perd assez vite.
A moi la peur, enfin, devant le score de certains : de quoi être complètement démoralisé et suspicieux devant un tel farming.

Vazy maintenant, fais coulisser les branches pour voir TOUT ton inventaire...
Vazy maintenant, fais coulisser les branches pour voir TOUT ton inventaire…

 

Enfin, pour glaner quelques points, ou partager ses recherches et opinions, ou juste écrire, des « points enquête » pouvaient être envoyés à la Fondation, et soumis au vote de la communauté : les points les plus populaires ont vu leurs auteurs récompensés. Ces points enquête, qu’on y participe activement ou pas, étaient un moyen plutôt efficace de partager les informations au sein de la communauté, les découvertes, les théories. Ou de faire rire, certains rédacteurs étant un peu facétieux.

Cette partie d’Alt-Minds, celle qui permet de gagner des points, n’est donc pas parfaite, pour plusieurs raisons :

– Déjà, car la cible du jeu n’est pas très claire. Partant, il est facile de ne pas y trouver son compte, comme le montrent les critiques sur la difficulté ou le caractère répétitif des missions.
Ensuite parce que réussir à marier le temps réel et le temps de la fiction est complexe : soit on joue le jeu d’un vrai temps réel, mais on s’expose à une vague de critiques de la part des joueurs manquant des missions, des informations et des évènements en temps réel, soit on adapte la narration à la vie réelle des participants, et on s’expose du coup au bois vert de ceux qui trouvent que ça nuit à l’immersion.
– Au sujet de l’immersion d’ailleurs, le scoring n’est pas en reste : quel est l’intérêt d’un score quand il s’agit de trouver des disparus ? Celui qui farme les papillons et passe des nuits à entrer des combinaisons de mots chez Philémon les retrouve-t-il plus vite ? Et bien non.
– Toujours concernant l’immersion, la façon dont sont gérées les réponses aux missions a de quoi laisser perplexe : Chloé sait en effet dans la SECONDE si vous avez raison ou pas, et vous envoie un petit message pour vous féliciter ou vous tancer… Ce n’est pas franchement réaliste. De plus, certaines réponses, pourtant justes, semblent avoir été considérées comme incomplètes, alors que l’élément manquant ne gênait en rien : cela fait un peu passer la Fondation pour un repère d’imbéciles. Impression qui a pu être renforcée, en plus de saborder l’interactivité, quand  certains joueurs ont envoyé par message privé une information à Chloé… Pour la voir être l’objet d’une mission quelques heures plus tard ! Sans même parler de la frustration engendrée, cela révèle une des limites d’Alt-Minds : tout est balisé d’avance, et les heures de recherches que n’ont pas manqué de faire des enquêteurs les plus assidus n’ont eu aucun impact sur l’avancée de l’enquête.
– N’oublions pas les bugs de l’interface enfin : entre les vidéos qui ramouillent, l’interface de réponse qui parfois n’affiche pas les cartes en entier (c’pratique pour cliquer), les outils d’analyse d’image qui se font la malle, les messages privés hasardeux (je n’ai jamais réussi à en faire partir un du PC, uniquement du smartphone), et les spoilers dans les tags des vidéos sur tablettes…

En revanche, les sites, les pages personnelles de réseaux sociaux, les forums créés pour l’occasion, outre leur fonction d’apporter les réponses aux missions, apportent indéniablement à l’immersion en floutant les frontières entre la réalité et celle de l’histoire.

Mesdames, Messieurs, les indices de Chloé \o/
Mesdames, Messieurs, les indices de Chloé \o/

 

Au niveau du gameplay donc, si on peut parler de gameplay ici, il y a quand même des choses à revoir, dans le cadre d’une hypothétique saison 2.

L’histoire, de son côté, sans être d’une originalité folle, se laisse suivre dans les grandes lignes : de jeunes scientifiques disparaissent, sur fond d’expériences secrètes et d’ésotérisme. Les retrouver va mener les enquêteurs de terrain un peu partout en Europe, chaque piste découverte ajoutant une couche à l’histoire, en plus de nous rapprocher des disparus.

La narration se base sur deux outils : des vidéos et les informations du dashboard, relayées par notre Club des Cinq de choc (je n’ai pas encore décidé qui jouait le rôle de Dagobert).

Le format des vidéos, court, façon reportage caméra au poing, ajoute à l’immersion : on n’a jamais l’impression de regarder un film (si l’on excepte la musique rajoutée au montage…), et les acteurs trouvent à mon sens le juste milieu entre le naturel, et le forcé qu’on peut avoir lorsqu’on est un simple enquêteur et que l’on fait un compte rendu devant une caméra.

Le temps réel quant à lui produit un effet d’attente plutôt appréciable, et brouille les frontières entre la réalité et celle du jeu : on s’y prend justement, au jeu, en guettant le dashboard. Audrey et Peter ont rendez-vous à 11h ? A 12h, vous rafraîchissez votre page en pestant : « mais bougez-vous ! Qu’est-ce qu’ils font ? KESKILFON ? »
Les personnages ne sont pas en reste, et, même s’ils sont moins fouillés et approfondis que peuvent l’être ceux d’une série télé par exemple (quoique… Ça dépend des séries), les différentes vidéos, et les échanges sur le dashboard les rendent attachants. Ou lourds. Mais dans tous les cas, ils donnent, pour la plupart, l’impression d’exister, même si on n’évite pas certains clichés.

Peter et Fabio
Peter et Fabio

 

Enfin, renforçant le contexte et l’ambiance, plus que le scénario, il y a les petits plus d’un ARG : des appels téléphoniques louches (voire, flippants XD), un personnage haut en couleurs à appeler au téléphone (Micheline, on t’aime), des SMS pour vous prévenir des avancées importantes, rejoindre d’autres membres de la communauté pour terrasser pour la première fois un papillon de niveau 3…

Il y a donc de l’idée et des efforts pour créer une réalité parallèle à laquelle on a envie de croire, dans laquelle on a envie de rester, même si ce n’est pas parfait.

Et ce n’est pas parfait car on a souvent le résultat des investigations du jour par message succinct sur le dashboard, avant d’avoir la vidéo associée. Dans la majorité des cas, ce n’est pas trop un problème, mais plus on se rapproche de la fin de l’enquête, plus ce petit message avant coureur sape les effets de surprise ou l’intérêt que l’on peut porter à la vidéo. C’est le même problème quand un message nous indique que « Oups, Audrey a rencontré un problème ». Sauf qu’Audrey, entre temps, on sait qu’elle est rentrée à l’hôtel, qu’elle a envoyé sa vidéo à la Fondation, et on se doute donc qu’il n’y a rien eu de gravissime, ou du moins, qu’elle n’est pas morte devant la caméra.

L’effet d’immersion tombe un peu à plat également lors de certains évènements, présentés comme inquiétants, et qui provoquent quasi-invariablement chez Chloé la réaction suivante : « attendons demain matin ». Keuwa ?! Mais pourquoi attendre alors qu’on est si près de coincer Bidule ou d’interroger Chouette ? Ou que Machin semble en mauvaise posture ? Certainement pour tenter de trouver un juste milieu, à nouveau, entre le temps réel et le temps de la fiction, mais ce juste milieu n’est pas toujours « juste ». Ou alors, c’est pour tenir huit semaines. Ou peut-être un peu des deux.

Et puis huit semaines, c’est long. Même si l’enquête passe par plusieurs pistes avant de se resserrer, on échappe pas à certains rebondissements téléphonés (ha, le début de la semaine 8… x), vaguement ridicules (« mon dieu, X s’enfuit en scooter, qu’est-ce qu’on fait ? KESKONFAY ? A ben trop tard »), ou encore à des dei ex machina qui font un peu comique de répétition (oui, Mlle J. et vos notes qui tombent plus à pic que l’homme du même nom, c’est à vous que je parle). Alors quand vous attendez avidement devant le dashboard toute la journée, et que vous avez le combo retournement risible + mission identique à celle de la veille, c’est-à-dire, un peu du rien, c’est très frustrant.
Et comme l’histoire est aussi balisée que l’avancée de l’enquête, on assiste, impuissants, à une histoire qui s’écrirait de toute façon aussi bien sans nous : deux semaines de moins, mais plus d’interactivité, c’eût été top.

Et puis cette fin abrupte, qui laisse des éléments en suspens…

 

Audrey et Gaël
Audrey et Gaël

 

L’expérience n’est donc pas parfaite, et certains ajouteraient : loin s’en faut. Certainement pas par manque d’idées, peut-être par manque de moyens, mais le résultat n’est pas à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre.

En même temps, savait-on vraiment ce qu’il fallait attendre d’Alt-Minds ? Il n’y pas de points de comparaison : le transmédia à cette échelle, c’est plutôt inédit. Habituellement, la création « transmédia » sert plutôt un média central comme un jeu vidéo classique, ou une série, mais ne devient pas elle-même support pour une fiction complète.

On n’en connait donc ni le public de prédilection, ni les limites : Alt-Minds peut améliorer des choses, certes, mais jusqu’où peut aller une fiction transmédia dans l’interactivité et l’immersion ?  C’est déjà compliqué de donner à UN joueur dans un jeu classique l’impression qu’il agit sur le monde dans lequel il évolue, car le scénario doit avoir prévu ses mouvements, ses découvertes et ses choix, comment donner l’impression à plusieurs centaines de personnes que leurs actions ont un impact ? Comment rendre homogène la progression dans une telle aventure, d’un groupe qui ne l’est pas, alors que la marche se fait en temps réel ? Jusqu’où peut-on intriquer les lignes temporelles sans rebuter les participants qui prennent l’histoire en dilettante, une petite heure par jour en rentrant du travail, ni frustrer ceux qui se jettent corps et âme dans l’affaire ?
Le problème est le même avec les missions et les énigmes quotidiennes : si on reste sur un public « large », alors, forcément, il y aura toujours des mécontents. Même si, pour le coup, l’aspect communautaire, qui permet l’entraide, autoriserait un peu plus de difficulté.

 

le MHD6
le MHD6

 

Personnellement, je suis peut-être bon public mais je me suis prise au jeu sans aucun problème. En même temps, si on me donne une accréditation presse pour une convention, j’ai l’impression d’être accréditée Top Secret Défense et de visiter le Pentagone, alors, si on me donne une histoire, des outils et une enquête, on me perd, c’est une évidence (à ceux que je vois rire au fond : vous ne savez pas à côté de quoi vous passez). Une fois dans le rôle, les missions ne m’ont pas paru si répétitives, car après tout, on mène une enquête, c’est forcément un peu rasoir parfois, avec les mêmes mécaniques qui reviennent. Je n’ai jamais passé des heures non plus sur une mission, mais ce n’est pas ce que j’attendais.
Je me suis régalée à éplucher la Toile et les réseaux sociaux pour découvrir un peu les personnages, ce sur quoi ils semblaient travailler, j’ai survolé l’Europe via Google Earth sur les traces des enquêteurs, j’ai tenté, en vain, de comprendre comment les papillons étaient liés entre eux, comment les combiner, et je suis tombée sous le charme de Philémon, qui m’a tiré la larme plus d’une fois. Je me suis attachée aux personnages, ou je les ai maudits, parfois même je les ai conspués EUX de leur inefficacité, alors que j’aurais du conspuer le scénariste et son rebondissement qu’on voyait venir gros comme une maison.

Je ne regrette en rien ces huit semaines, même si le genre « fiction totale transmédia » a des points à améliorer, car outre le plaisir que j’ai pris dans l’aventure, elle promet de nouvelles formes, de nouvelles façons de raconter des histoires. Et rien que pour ça, je salue Alt-Minds. Et la Communauté des Alt-Minders au passage.

Alt-Minds était donc un projet ambitieux sur le papier, sans doute une sorte de test à grande échelle pour une nouvelle forme de fiction, un nouveau genre. Forcément, quand on essuie les plâtres, il y a des embûches et des défauts. Certains auraient pu être évités d’emblée, comme le système de scoring, les bugs du dashboard, l’application de géolocalisation qui ne géolocalise pas très bien…
D’autres en revanche, sont des points plus délicats à juger : on peut encore améliorer l’immersion et l’interactivité sans doute, mais encore faudrait-il savoir à quel public on s’adresse. Certains sont peut-être déjà très satisfaits.
Quoi qu’il en soit, cette « première fiction totale » est loin d’être un désastre, du moins, pour les participants : si certains ont continué jusqu’au bout de l’aventure, c’est bien que quelque chose les retenait. Si d’autres errent encore sur le dashboard, ou sur le forum, une semaine après la fin, c’est bien qu’ils avaient été accrochés pendant l’histoire.
Alors en attendant de voir ce que tout ça va donner, si vous avez la possibilité de le faire en différé, ça se tente. Il semblerait en effet qu’il n’y ait pas de nouveau run prévu en direct, mais un différé est envisagé. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes sensations, mais ça vaut le coup (et le coût) quand même. Pour se faire une idée de ce que peut donner « une fiction totale transmédia ».

 

le Mouflon vous salue \o/
le Mouflon vous salue \o/
Tags : Alt-MindsARGEric ViennotIn MemoriamLexis NumériqueOrangetransmédia
Aurigabi

Gentle Geek Aurigabi

Fille de Mary Poppins et Xena la Guerrière, aime se promener dans les bois pluvieux. Avec une console. Ou un comics. Avant que les cylons n’arrivent…

3 commentaires

  1. Bonne critique malgré mon a priori sur… euh non, très bonne critique. :)

    J’étais un peu déçu de ne pas avoir le temps de participer mais je pense que certains points m’auraient pas mal frustré (je n’ai pas de smartphone par exemple, donc adieu la chasse aux papillons).

    En tout cas, on se rend bien compte de la difficulté de proposer un « jeu » multijoueur et basé sur le temps réel : quels que soient les choix du scénariste, beaucoup seront frustrés (bienvenue dans le monde réel, les gens).

    Enfin, cette critique m’a refait pensé à l’aventure d’Evan Rattlif, un rédacteur de Wired qui avait décidé de disparaître en mettant ses lecteurs au défi de le retrouver (Wired proposait une prime de 5000$, forcément ça motive). Si vous n’avez pas encore lu son histoire, je vous la recommande vraiment.
    Pour le coup, c’était du vrai temps réel, avec une vraie personne à retrouver (physiquement) et l’immersion était, on s’en doute, totale.
    Peut-être faudrait-il s’en inspirer un peu plus, ou pas. :)

  2. On pouvait chasser les papillons via PC aussi, même si c’est moins pratique que sur smartphone.
    Ça ne représente qu’une partie de l’aventure, fort heureusement.

    Je viens de lire le lien sur Evan Ratliff : l’immersion est forcément totale pour le coup XD, puisqu’on a une vraie personne qui a vraiment disparu. On a d’ailleurs plus une chasse au trésor qu’une fiction, puisqu’il n’y pas de scénario dans son cas. C’est bien le problème quand je demande jusqu’où on peut intriquer les lignes temporelles entre réalité et fiction : est-ce qu’on enferme les joueurs sur une île pendant 1 mois XD, pour leur faire « vivre » l’aventure en temps réel, ou est-ce que chacun joue son rôle, y compris les participants en faisant un effort ?

  3. J’avais jamais lu l’histoire de Evan Ratliff : c’est un truc de dingue cette affaire xD
    Sinon, pour Alt-Minds, je tenterai peut-être le coup en différé mais même comme ça je sais pas si j’arriverai à tenir le cap sur la durée, et je sens que ça va me frustrer… en tout cas, merci pour cette review qui pose beaucoup d’intéressantes questions.

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