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Après avoir lâchement fait l’impasse sur la Nuit Bad Girls qui avait lieu le premier samedi du festival, la GentleTeam n’a pas raté la Divine Nuit, consacrée à la plus belle femme du monde, Divine, aka Glen Milstead, l’extravagante muse de John Waters. Au programme de cette nuit, pas moins de quatre films, avec I am Divine, Polyester (en odorama, s’il vous plait !), Female Trouble et Lust in the Dust

Armée de plaids, de boissons énergétiques et autres sodas (chut chut, pas de marques), et de victuailles en tout genre, la GentleTeam s’est retrouvée, (après trois ou quatre films dans la journée) en salle 500 à minuit pour un enchaînement de quatre films dans le cadre de la nuit consacrée à Divine.

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I AM DIVINE

Documentaire réalisé par Jeffrey Schwarz à l’occasion des 25 ans de la mort de Divine, I am Divine est une bonne entrée en matière pour cette nuit consacrée au personnage. Le film revient sur le parcours de la diva de Baltimore, depuis ses plus jeunes années, sous les traits de Glenn Milstead, adolescent poupin introverti et marginalisé jusqu’à sa transformation en drag queen excentrique, tour à tour « plus belle femme du monde » et « personne la plus ignoble du monde » (dans Pink Flamingos), en passant par sa rencontre déterminante avec John Waters, qui la mettra à l’honneur dans bon nombre de ses films

Si la forme du documentaire est assez conventionnelle, avec des interviews des proches de Divine, illustrées par des extraits de films et des images d’archives, son sujet, lui, ne l’est pas. I am Divine retrace la vie de ce personnage hors norme, littéralement. Irrévérencieux, volontairement vulgaires, Divine et John Waters se sont érigés contre le bon goût, contre la bienséance et contre les diktats. La plus belle femme du monde est un homme, il va falloir vous y faire.

John Waters et Glenn Milstead, au naturel...
John Waters et Glenn Milstead, au naturel…

 

On retrouve avec plaisir parmi les intervenants du film bien évidemment John Waters, mais aussi Mink Stole, Tab Hunter, la géniale Edith Massey, ou encore des membres des Cockettes. Les passages drôles et moments touchants se succèdent. On apprend notamment que pour John Waters, un vomi lâché dans une salle de cinéma pendant un de ses films équivaut à une standing ovation. Celle qui a été la petite amie de Divine au lycée raconte leur relation, et notamment comment il l’a maquillée pour la soirée de promo, avant de finir travesti lui-même, déguisé en Elizabeth Taylor pour une fête… Quand sa mère, avec qui il a été brouillé pendant des années, fait part de ses inquiétudes quant à la réputation de la famille, un plan de coupe de Divine se faisant violer par un homard géant dans Mutiple Maniacs vient recentrer le débat…

A la fois drôle et touchant, I am Divine est un bel hommage à l’extravagante diva, qui donne envie de voir (ou revoir) ses films… Ce qui tombe bien puisque trois de ses films sont à voir ce soir !

POLYESTER

On poursuit donc la nuit avec Polyester (1981), qualifié de « premier film mainstream » de John Waters, et surtout, premier film en odorama ! Tout le monde a sa plaquette distribuée à l’entrée de la salle, prêt à gratter les pastilles pour renifler des odeurs plus ragoutantes les unes que les autres…

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Dans la ville de Baltimore (la ville d’origine de Waters et Divine), on suit les mésaventures de Francine (Divine) et de sa charmante famille composée d’un mari volage, directeur d’un cinéma porno, d’un fils fétichiste écraseur de pieds en série, et d’une fille nymphomane enceinte d’un pseudo blouson noir… Pendant que son mari la trompe (avec une blonde qui arbore la même coiffure que Sean Paul), notre pauvre Francine, malmenée par ses enfants ingrats et sans cesse humiliée par sa mère, sombre dans l’alcool… Heureusement, elle n’est pas seule dans ce monde cruel et Cuddles, sa meilleure amie un rien simplette, incarnée par l’inimitable Edith Massey, lui vient en aide pour en finir avec son addiction. Elle rencontre également l’amour dans les traits d’un playboy joué par Tab Hunter…

Polyester, un film qui sent pas la rose...
Polyester, un film qui sent pas la rose…

Ici John Waters s’attaque ici aux valeurs de l’Amérique puritaine, opposée à la pornographie et l’avortement, dans une farce burlesque complètement outrancière. Même si le film va moins loin que certains autres méfaits de Waters (non, ici Divine ne mange pas de déjection canine fraîchement sortie du caniveau et ne croise pas de homard géant violeur), le spectateur a quand même droit aux mêmes assauts olfactifs que ceux que subit notre pauvre Francine à l’écran, allant de l’attaque d’un putois aux chaussettes sales, en passant par la pizza ou la colle que sniffe son fils… Évidemment le côté ludique de l’odorama tient le spectateur en éveil et on s’empresse de frotter la pastille correspondante dès qu’un numéro apparait à l’écran… Bonne trouvaille marketing (pour l’époque), ce petit plus de l’odorama est une continuité à cette comédie outrancière de John Waters.

Female Trouble

Outrancier… Le mot en deviendrait presque galvaudé tant il s’applique également à cet autre film de John Waters. Sorti en 1974, soit 7 ans avant Polyester, Female Trouble suit le parcours chaotique et trash de Dawn Davenport, qui s’enfuit du domicile familial après que ses parents aient refusé de lui offrir une paire de chaussure cha-cha-cha à Noël. Sa vie se révélera alors une succession de moments dédiés aux crimes et délits, à la quête de l’amour et de la gloire.

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Mettant à nouveau en scène une Divine au top de sa forme dans un film encore plus irrévérencieux que Polyester ! Et on commence à se dire que Divine a peut être vraiment toute les loufoqueries possibles dans sa carrière, puisqu’après avoir été violée par un homard, mangé de la merde (et on en oublie surement), l’égérie de Waters réalise ici le tour de force de se violer elle-même et de se mettre enceinte au cours d’une scène où Divine et Glen apparaissent simultanément.

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« La bienséance ? Ranafoutre ! » semble  crier ce film totalement… outrancier, exubérant, volontairement too much. Female Trouble multiplie ainsi les provocations, le langage ordurier et les phrases cultes (Prends ta caisse à outil et va enculer un garage !). Mieux encore, le parcours tragique de Dawn Davenport donne lieu à de nombreux passages qu’on ne voit décidément que chez John Waters, entre des scènes d’amour où les pinces de mécano sont de la partie, une Edith Massey toujours aussi incroyablement improbable et out of control (on adore !), et son final électrique qui n’est pas sans rappeler certains films plus mainstream sortis ultérieurement.

Amoouuuur, gloire et beautééééé
Amoouuuur, gloire et beautééééé

Dénonciation acerbe de la société et de ses travers, la encore, Female Trouble et Polyester sont en quelque sorte des pendants l’un de l’autre : si Polyester égratigne le vernis de l’Amérique des quartiers type « Desperate Housewives », Female Trouble part du parcours des rebuts de cette société, des laissés pour compte, et caricature avec acidité cette soif de reconnaissance, de course à la gloire et au succès quels que soient les moyens empruntés. Le film offre d’ailleurs une savoureuse partie où, défigurée à l’acide, Divine devient une icône de la mode dont la façon de vivre et la misère sociale est source de curiosité malsaine et de glorification pour ses patrons. Une fois encore, les barres de rires (gras) sont au rendez-vous, et on est fasciné par la présence électrique de Divine et Massey tout au long du métrage.

Lust in the Dust

Dernier film de cette soirée, Lust in Dust met bel et bien en scène Divine, qui retrouve ici Tab Hunter dans le premier rôle, mais sans John Waters, qui a refusé de tourner ce film au motif qu’il n’en était pas l’auteur. C’est donc un autre réalisateur bien connu du cinéma de genre, Paul Bartel (La  course à la mort de l’an 2000), qui est à l ‘œuvre derrière la caméra de cette comédie-western.

Divine, au maquillage beaucoup moins prononcé, mais à la gouaille toujours présente !
Divine, au maquillage beaucoup moins prononcé, mais à la gouaille toujours présente !

Film le plus léger et le plus accessible parmi tous ceux proposés, il trouvait ainsi parfaitement sa place en queue de peloton, sa légèreté permettant de le suivre sans encombre à l’heure où la fatigue commençait à se faire intensément sentir. S’il se révélait bien pâle compétiteur face aux trois premiers morceaux d’anthologie servis ce soir, Lust in Dust n’était pas non plus un film au rabais dans le cadre de cette thématique Divine : il permettait en effet d’apprécier une autre facette de Divine, ici beaucoup moins maquillée, et dans registre plus comique que trash.

Charlie et ses drôles de dames
Charlie et ses drôles de dames

Divine y interprète ici Rosie Velez, une danseuse de bar perdue dans le désert. Secourue par un mystérieux cowboy (Tab Hunter) en cours de route, le tandem atterrit dans la ville de Chili Verde. Mais la rumeur d’un trésor caché dans la ville va déclencher de nombreuses hostilités et jeux de dupes entre le cowboy, les tenancière d’un bar/bordel local et le gang de malfrats du coin. Pas de blagues trash ou scato, ici le film tiens plus de la sexy comédie (et encore), ces films sans sexe explicite mais aux nombreuses références grivoises et amourettes entre les personnages ! Et niveau humour grivois, on est servi !

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Dès le début de l’intrigue, les blagues cocasses se multiplient : entre les déclarations à double sens (« Ce sont deux belles bourses que tu as ici »), la tenue suggestive d’un fusil, les gags improbables (les jambes meurtrières, la petite vieille, prostituée occasionnelle et femme providentielle0) et autres allusions connotées, le spectateur est servi ! D’ailleurs, au final, le film est en lui-même un double-sens grivois, quisqu’il est bel et bien une histoire de fesses ! Bref, seule Edith Massey manque au programme !

Edith Massey, l'autre star de la soirée <3
Edith Massey, l’autre star de la soirée <3

Si Lust in the dust n’est ni original, ni exceptionnel, on reste néanmoins accroché par la bonne tenue de l’ensemble, le film se révélant assez frais et agréable. Un film fluide donc, dont la légèreté sied parfaitement à cette fin de programme : idéal pour digérer les deux films précédents et se diriger doucement vers le matin calme et le repos bien mérité du festivalier, dont la plupart auront tenu le coup sans dormir dans la salle (sauf certains, dont nous tairons les noms :p ).

Après une bien décevante nuit Zombie l’an dernier, l’Etrange Festival a bien rattrapé le coup en permettant à ses spectateurs de rendre hommage à une icone du cinéma bis que nous aimons de tout notre cœur ici. En plus d’un hommage à ce personnage hors-norme qu’était Divine, l’occasion était trop belle de voir des films aujourd’hui quasi invisible sur grand écran dans l’Hexagone, avec pour l’un d’eux une séance en odorama qu’on n’aurait pas eu ailleurs. Et à l’heure où pas mal de jeunes réalisateurs sont assimilés à son cinéma alors qu’ils sont en réalité timoré et inoffensifs, celafaisait aussi du bien de reprendre un bon bol de John Waters et de son cinéma corrosif, outrancier et transgressif mais assumé, et mettant en avant une Amérique alors souterraine, ostracisée par les bien-pensant et la norme. En bref, une nuit de plaisir, véritable hommage au cinéma défendu par l’étrange, et qui a rempli toutes ses fonctions !

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Marie

Gentle Geek Marie

POUET

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