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Premier film de l’acteur Ryan Gosling, Lost River sort mercredi en salle pour le plus grand bonheur des cinéphiles… ou pas ! Car avec un public partagé entre admirateurs et détracteurs, cette première réalisation allait pour sûr être scrutée dans les moindres recoins.

Dans une ville qui se meurt, Billy, mère célibataire de deux enfants, est entraînée peu à peu dans les bas-fonds d’un monde sombre et macabre, pendant que Bones, son fils aîné, découvre une route secrète menant à une cité engloutie. Billy et son fils devront aller jusqu’au bout pour que leur famille s’en sorte.

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img_lostriver1Un réalisateur n’est pas nécessairement un bon acteur. Preuve vivante : Tommy Wiseau. De même, être acteur ne signifie pas forcément être un bon réalisateur. Pour preuve : Tommy Wiseau ! Fort du succès retentissant de ses derniers films, ayant littéralement explosé avec Drive, de Nicolas Winding Refn, Ryan Gosling suscite la curiosité avec son premier long métrage en tant que réalisateur. S’il a su se montrer bon acteur, notamment chez Refn ou Cianfrance, Gosling a aussi su se montrer particulièrement tarte ou aseptisé chez d’autres (Gangster Squad). Qu’en sera-t-il de Gosling réalisateur ? Ryan Gosling, surdoué du cinéma ou coquille vide confirmée ?

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Un spectacle son et lumière

[quote_left]un univers esthétique particulièrement léché, soigné[/quote_left]

Pour sa première bobine, Ryan Gosling n’a pas pris les choses à la légère : épaulé par Benoit Debie, directeur photo attitré de Gaspard Noé (Gosling est fan de Enter the Void), le film délivre un univers esthétique particulièrement léché, soigné, composé de nombreux jeux et effets de lumières. Un travail graphique qui retranscrit parfaitement la désolation de cette ville en perdition, inspirée du sort réservée à Détroit : avant ville symbole de la réussite américaine, la ville a fait faillite et est devenue délabrée et quasi fantomatique avec la crise.

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Dans cette ambiance en flottement permanent, le réalisateur instaure un univers à mi-chemin entre réalité froide et univers fantasmagorique. Deux univers au sein d’une même ville qui se côtoient : les ruines des anciens bâtiments industriels en opposition avec le cabaret où Billy trouvera refuge, la terne maison de Bones qui contraste avec l’univers quasiment irréel de Rat et de sa maison familiale. Deux styles qui s’entrelacent, vont et viennent en permanence, s’opposent et se complètent, se mélangent et se repoussent tout au long du film.

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Je suis triste parce qu’ils ne savent toujours pas prononcer mon nom :(

[quote_right]on penche indéniablement du côté de Refn mais aussi de David Lynch[/quote_right]

Cet univers de rêve et de fantasme, d’apparences symbolisé par le cabaret, comme porte de sortie face aux problèmes qui s’accumulent au quotidien. Un élément presque surnaturel qui surgit au milieu d’un réel bien ancré. En ce sens, Lost River revendique clairement ses influences esthétiques et thématiques : on penche indéniablement du côté de Refn (mais est-ce vraiment étonnant vu la proximité des deux hommes ?) mais aussi de David Lynch.

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Lost scénario

[quote_left]Gosling a puisé son inspiration dans un souvenir d’enfance.[/quote_left]

Gorgée de telles références, on s’attend forcément que l’histoire prenne une envolée spectaculaire, à l’image de ses modèles, se donne une dimension symbolique. Ryan Gosling confie avoir puisé son inspiration dans un souvenir d’enfance, ayant vécue près d’une ville engloutie. Problème : il n’a pas retravaillé le scénario depuis.

Lost Highway est passé par la...
Lost Highway est passé par la…

En effet, là où Lynch et Refn maîtrisent parfaitement le symbolisme de leurs films, au point de proposer parfois de véritables labyrinthe mentaux gorgés de sens cachés avec une vrai signification, le scénario de Ryan Gosling s’évertue à donner un symbolisme de surface, dont l’évidence et le simplisme font pâle figure. Pire, au moment où tout est censé basculer, quand tous les éléments sont censés s’assembler pour ne faire plus qu’un et révéler un sens nouveau à l’ensemble, le film offre une scène plutôt grotesque accompagnée d’effets de réalisation poseurs. Alors que les intentions du personnage envers Billy étaient identifiables dès le départ, la scène tente de jouer le décalage et la surprise mais provoque surtout l’hilarité du spectateur.

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[quote_right]quand le dénouement arrive, la seule pensée qui nous vient en tête est « tout ça pour ça ? »[/quote_right]

Il ressort de ce scénario un sentiment de gâchis tant la ville engloutie est sous exploitée, et tant le but du voyage semble vain et obscur. Les personnages ont transcendé leur nature initiale pour survivre ? Vu et revu. Les événements et trames du film sont cousues de fil blanc, et quand le dénouement arrive, la seule pensée qui nous vient en tête est « tout ça pour ça ? ».

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C’est d’autant plus dommage que pour donner corps à son récit, Ryan Gosling s’est entouré d’un casting 5 étoiles : Christina Hendricks, vu dans la série Mad Men et dans Drive, Saoirse Ronan (aka CHORCHI), qu’on ne présente plus, Ben Mendelsohn, et l’excellent frenchie Reda Kateb (le prisonnier torturé au début de Zero Dark Thirty : c’est lui !). L’ensemble du casting assure parfaitement la partition, même si dans le rôle principal, Ian de Caestecker est un peu transparent. Dans son rôle de méchant cinglé, Matt Smith (Doctor Who) donne aussi de sa personne, parfois légèrement too much.

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[styled_box title= »Lost River en bref » class= »sb_orange »]Très léché esthétiquement, développant une ambiance lancinante et réussie, Lost River pêche par une symbolique poussive et une histoire qui tourne à vide. Le résultat passe grâce à l’interprétation réussie du casting, mais un vide scénaristique et une mise en scène commune ramènent le tout à un simple exercice de style.[/styled_box]

Lost River, de Ryan Gosling. Avec Ian de Caestecker, Christina Hendricks, Saoirse Ronan, Matt Smith, Ben Mendelsohn, Eva Mendes et Reda Kateb. Sortie le 8 avril 2015.

Tags : Ben MendelsohnChristina HendricksCritiqueEva MendesIan de CaesteckerLost RiverReda KatebRyan GoslingSaoirse Ronan
Jérémie

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