close
Cinéma

Etrange Festival 2016 : interview de Frank Henenlotter

Lors de l’Etrange Festival 2016, GentleGeek a eu la chance de rencontrer Frank Henenlotter, le réalisateur de Frankenhooker, Bascket Case ou encore Brain Damage. L’occasion de revenir avec lui sur sa carrière.

Nous sommes à l’Etrange Festival. Quelle est votre définition du mot « étrange » ?

Je dirais qu’ici on voit des films qui sont un peu différents, qui ne sont pas mainstream, des films transgressifs, ou même juste décalés. Ce sont les meilleurs films du monde. On ne veut pas se taper les merdes d’Hollywood. Ici les films sont excitants, provocants, intelligents, ils vous font réfléchir. Que demander d’autre à un film ?

C’est important pour vous de rencontrer votre public en festival ?

Je me sens un peu mal à l’aise quand je suis au centre de l’attention. Je n’aime pas être photographié ou filmé. Mais d’un autre côté, je reste très humble devant mes fans. Ce sont eux qui font vivre mes films. Donc je parle avec eux, je prends des photos avec eux, je signe ce qu’ils veulent, sans problème. Je n’aime pas parler de moi en interview mais j’adore discuter avec mes fans.

Bad Biology (Sex addict en français) remonte à 2008. Quels sont vos prochains projets ?

J’ai fait un film après Bad Biology, c’est un documentaire qui s’appelle Chasing Banksy, ce n’est pas un film gore, personne ne meurt dedans… C’est un film sur le street art. C’est un de mes films, mais ce n’est pas le genre de films que veulent voir mes fans. Et apparemment personne ne veut le voir, d’ailleurs – mais ça c’est une autre histoire. J’ai aussi un financement partiel pour un autre film d’horreur. Il y aura du sang, du gore, des monstres, et le film va avoir un fond similaire à Bad Biology.

Vous parliez de financement, c’est un problème, de trouver des financements pour vos films ?

Toujours ! Le plus du temps passé sur un film, ce n’est pas la réalisation, l’écriture ou le montage. C’est de chercher où trouver l’argent. C’est un vrai problème. Heureusement, je sais travailler avec des très petits budgets. Bad Biology est mon film le moins cher, et il était bon. Le plus gros poste de dépense, c’était la caméra 35 mm.

Les petits budgets vous forcent à être plus créatif ?

C’est nécessaire. Il n’y a pas de directeur artistique, pas d’assistant réalisateur… Tout ce dont j’ai besoin pour faire un film, c’est : un mec qui s’y connait en caméra et en éclairage (sur Bad Biology, c’était principalement moi derrière la caméra) et un mec au son. Avec ça et des acteurs coopératifs, on peut faire un film.

Ca vous suffit ?

Oui. Pour Chasing Banksy, j’ai dit que je ne voulais d’équipe, juste 4 personnes. C’est mieux, ça va plus vite. Quand j’ai fait les Basket Case et Frankenhooker, j’avais un budget d’1,5 million de dollars, une équipe de 65 personnes pour Basket Case 2, et au final c’est toujours la même chose : c’est toi dans une pièce, en train de chercher où placer la caméra.

frank hennelotter

Ca se passe comment, un tournage ?

Tous mes films sont difficiles à réaliser, les tournages sont difficiles, c’est beaucoup de travail. Il y a des jours où je préfèrerais faire n’importe quoi d’autre que ça. Mais sur chaque tournage, il y a des histoires marrantes. Sur Basket case 2, il y a avait 50 monstres sur le plateau, c’était fou. Et les acteurs n’y voyaient rien à cause des masques, alors chaque monstre devait avoir un guide pour le conduire sur le plateau et l’aider. Les pauvres, ils ne pouvaient même pas respirer, ils tombaient par terre, ça faisait un tas de monstres empilés… Et moi je me cachais pour rire, pour ne pas qu’on me voie me marrer ! Il y a toujours de la folie sur mes tournages, mais en majorité, c’est toujours, toujours beaucoup de travail.

En partie parce que vous avez plusieurs casquettes ?

Quand je réalise, je ne suis pas le scénariste. Et sur le tournage, je pense à ce connard de scénariste. Je suis le réalisateur qui essaie de sauver le script – que j’ai écrit plus tôt. D’un autre côté, quand j’écris, j’écris un super scénario et je sais que le réalisateur va le massacrer. Je compartimente vraiment les deux rôles.
J’ai réalisé que ce n’est pas le scénario qu’on fait vivre, le film vit de lui-même, il évolue toujours. J’ai appris à ne pas me battre contre ça. Et parfois le résultat final est mieux que si on avait suivi le script originel. Il y a plus de vie et d’énergie dans ce film qui vit sa propre vie. J’aime voir ce qui va se passer. C’est excitant d’une certaine façon.

Qu’est-ce que vous pensez du crowfunding ?

Ça ne suffit pas pour faire un film. J’ai des fans, mais je ne peux pas récolter 300 ou 400 000 dollars sur Kickstarter. Et le pire, c’est que si la campagne ne marche pas, les autres investisseurs se retirent…

Que pensez-vous des réalisateurs qui cherchent à réhabiliter le cinéma de genre et d’exploitation, comme Tarantino ou Rodriguez ?

C’est des conneries. On fait un film d’exploitation, ou pas. On ne peut pas faire semblant. On ne fait pas un film d’exploitation avec un budget de 50 ou 100 millions de dollars. Mais 99% de ce qui est fait à Hollywood aujourd’hui est un film d’exploitation à gros budget. Tous les films d’action, de super-héros, ça a été fait des centaines de fois, avec des petits budgets, par des mecs comme Roger Corman. Je ne suis pas fan de cette mode des remakes et reboots.

Quelle serait votre réaction si Hollywood voulait faire un remake de Frankenhooker ?

J’ai déjà eu une proposition pour Basket Case. Ma réponse : « vous pouvez avoir les droits, si vous me donnez beaucoup d’argent ». Je ne suis pas intéressé par la réalisation du remake mais je suis intéressé par le chèque. J’aimerais prendre ma retraite grâce à un remake de Basket Case.

Vous pourriez utiliser l’argent d’un remake pour faire d’autres films ?

Peut-être. Mais j’ai eu deux types d’offres. Ils voulaient faire un remake à petit budget, mais j’ai déjà fait ça. Si vous faites un remake de Basket Case, il faut que Belial ait l’air vrai. Ensuite ils ont voulu faire un remake avec un gros budget, mais ils voulaient me payer quelque chose comme… 24 dollars et un sandwich au jambon. Ils pensent que s’ils agitent ne serait-ce qu’un peu d’argent devant, vous n’allez pas refuser. Je n’ai pas peur de dire non. Je n’ai pas besoin de ça. On m’a aussi proposé d’adapter Frankenhooker à Broadway… Non merci !

Frank Henenlotter

La plupart de vos films ont été tournés à New York. Vous avez un lien particulier avec cette ville ?

J’y vis ! J’ai grandi à Long Island et déjà quand j’étais jeune je séchais les cours pour aller voir des films à New York. Il y avait des films partout, absolument partout, dans les petits cinémas de quartier. Quand je découvrais des films à la télé, comme Citizen Kane, je finissais par éteindre en me disant « ce film est trop bon pour le voir à la télé », et j’attendais qu’il repasse au ciné en 35 mm sur la 42ème rue. Mon problème, c’est que je ne pouvais pas voir tous les films…

C’est difficile de trouver un financement, mais c’est aussi difficile d’avoir une sortie cinéma pour vos films…

Je suis content car cinq de mes films sont sortis au cinéma. Maintenant, il y a des projections événementielles de mes films, ils ne sont projetés qu’une fois. Et dans les festivals aussi.
Mais si un film ne sort pas au cinéma, comment les gens vont-ils apprendre qu’il existe ? Tout le monde peur sortir un film en streaming, mais personne n’en saura rien. On a besoin des critiques pour attirer l’attention.

C’est dû à quoi, cette situation ?

Personne n’est aventurier aujourd’hui. Pour les jeunes que je connais, un vieux film, c’est un film sorti il y a 6 mois. Ils ne connaissent pas l’histoire du cinéma. Pour eux, voir un film en noir et blanc, c’est horrible. Ils ne connaissent personne, ils ne savent pas qui est Otto Preminger. C’est triste !

Pouvez-vous nous parler de Something Weird Video ?

Dans les années 90 aux Etats-Unis, les trois quarts des compagnies de cinéma ont coulé. Les premières à mourir ont évidemment été les compagnies indépendantes, spécialisées dans les films d’exploitation. Moi je voulais faire des films indépendants et expérimentaux. Je me suis associé avec Something Weird. On a trouvé un laboratoire à New York qui avait fait faillite. Il ne restait des centaines de films qui n’avaient pas de droits. Mike Vraney (le fondateur de Something Weird Video, ndlr) est venu me voir à New York et m’a demandé d’aller là-bas avec lui. En voyant tous ces films, on avait la tête qui tournait… On a proposé au gardien 5 000 dollars pour nous laisser prendre tous les films qu’on voulait. Et pour 5 000 dollars, on a pris des tonnes de films sur pellicules. Je suis devenu associé de Something Weird et on crée une compagnie qui marchait très bien en sortant de vieux films de merde. C’était de la merde, mais de la merde merveilleuse !

Quel genre de films ?

Mon film préféré, c’est The Beast that Killed Women. C’est l’histoire d’un gorille laché dans un camp de nudistes. Priceless ! Qui n’aimerait pas ça ? (rires) Et au final, j’ai fait plus d’argent avec Something Weird qu’avec tous mes films réunis…

Quels sont vos prochains projets ?

On me demande souvent où je me vois dans un an… Je n’en ai aucune idée !
J’ai eu de gros soucis de santé l’an dernier, et à un moment, quand j’ai commencé à aller mieux et à penser que je n’allais pas mourir de suite, j’ai eu envie de m’acheter un jouet. Je me suis offert un écran plat géant de 165 cms, qui fait aussi 3D. Et c’est ce qui me rend heureux maintenant. Je regarde des films que je n’aurais sûrement jamais regardé mais comme ils sont en 3D… C’est là que je serai dans un an, en train de faire « wow ! » devant ma télé.

Vous regardez quel genre de films ?

Je déteste toutes les merdes d’Hollywood. Les films de super-héros ? Ils ont l’air ridicules, je n’arrive pas à les prendre au sérieux avec leurs costumes. Sauver le monde en portant un costume débile ? Vraiment ? Même si j’ai aimé le premier Captain America…
Sinon mes films préférés en 3D sont ceux tournés dans les années 50 puis convertis en 3D, comme L’Étrange Créature du lac noir, ou The Mask, un film canadien de 1961, je l’ai vu à 11 ans, ça m’a trop fait flipper ! Et aussi, Jurassic Park ! En 3D, ça devient un film totalement différent, ça devient brillant et on dirait que chaque plan a été fait pour la 3D ! Et l’autre, c’est Le Magicien d’Oz ! (rires) De 1939, ça marche, c’est brillant ! Regardez les scènes avec les Munchkins, c’est fou ! Je ne vais plus au cinéma, je ne vois pas les films actuels, mais si c’est tourné en 3D, je le regarderai ! Et je préfère regarder les films chez moi car la qualité est meilleure. Les projections 3D au ciné sont souvent trop sombres. Et en plus chez moi, je peux regarder les films en sous-vêtements !

Merci à Frank Henenlotter et à l’Etrange Festival pour cet entretien, ainsi qu’aux autres blogueurs présents lors de cette table ronde.

Tags : Etrange FestivalFrank Henenlotter
Marie

Gentle Geek Marie

POUET

Commentaires