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Cinéma

[Critique Pour] Sucker Punch, une cinématique survitaminée

Depuis sa sortie en salle, Sucker Punch, le dernier film de Zack Snyder ne cesse de créer la polémique. Cela n’a pas dû vous échapper, les spectateurs s’écharpent sur les forums tant les avis sont tranchés. On aime ou on déteste ! Et qu’en est-il à GentleGeek ? Ce film était incontestablement attendu comme le messie numérique du geek, mais bien évidemment on n’échappe pas à la division. On a donc décidé de procéder à la méthode de la double critique : le pour et le contre. En l’occurrence, ici c’est le pour !

L'affiche de Sucker Punch

Maltraitée par son beau-père, Babydoll est envoyée dans un asile où elle doit subir une lobotomie. Oppressée par ce qui l’entoure, elle décide de s’échapper.

Quitte à jouer cartes sur table, autant annoncer d’emblée la couleur : Sucker Punch est film raté par bien des aspects. Son scénario est minimaliste, les personnages sont creux ou inexistants et le montage est tellement sauvage que l’on se demande parfois si des bobines n’ont pas été perdues en route… On sent que Snyder a été tellement investi dans ce film et y a projeté tellement de désirs qu’il semble totalement dépassé et est incapable d’aller au bout de ses idées. Pourtant il y en a des idées, à commencer par le script.

Sucker Punch apparait comme un conte de fée. L’héroïne est une jeune fille brimée par son odieux beau-père qui la condamne au loin dans un lieu encore plus hostile. Dès lors, on pénètre dans un schéma de double mises en abyme au concept ingénieux malheureusement dynamité par la subtilité pachydermique de Snyder. Pour échapper aux attaques du monde réel, l’héroïne s’invente un bordel où elle rencontre des alliées et dans ce même monde, son esprit s’aventure dans de multiples univers. Elle s’y bat et lutte pour gagner sa liberté. N’est pas Nolan qui veut, et Sucker Punch n’est pas Inception. Malgré un concept assez similaire du rêve dans le rêve, Snyder manque tant de délicatesse dans sa manière d’amener le sujet, qu’une fois l’idée de base posée, la suite ne réserve plus de surprise. Ainsi Snyder sabote son intrigue trop tôt et on se retrouve très vite sans véritable enjeu.

Force est de constater que l’écriture n’est absolument pas le point fort de Snyder, et si quelques bonnes idées fusent, le traitement, lui, ne suit pas. Pour sa première œuvre originale dont il est presque le seul maitre, on ne peut pas vraiment dire qu’il s’en tire haut la main. Sucker Punch révèle les limites de son auteur qui, finalement, ne sait communiquer que par le biais des images.

Babydoll et sa clique

Et sur ce point, on est servi.

Sucker Punch est un hymne à ce qu’il fait de mieux, à savoir du cinéma à la Zack Snyder ! Que l’on aime ou non, le réalisateur se tortille pour travailler son esthétisme. C’est too much, prétentieux mais c’est beau. Et c’est peut-être là le problème, il ne sait faire que de belles images, que de beaux plans, à croire que cette façon de faire est inhérente à sa personne. A ignorer le plaisir de la simplicité, Snyder fait déprécier son travail tant il filme chaque plan avec la même intensité.

Dès le départ, levé de rideau sur une introduction habile dans sa mise en scène. Elle brille par sa complexité et sa plastique annonce immédiatement la couleur : on nous transporte dans une fable moderne d’Alice au pays des merveilles où chaque détail esthétique nous rappelle que ce que nous avons à l’écran est un média. Le détachement est donc immédiat, et l’implication du spectateur dans l’histoire s’en retrouve alors amoindri. Le monde réel est déjà tellement fantasmagorique qu’à chaque fois que l’héroïne bifurque dans un autre espace, la différence n’est pas palpable. Il y a un manque de contraste évident qui pointe du doigt l’inachèvement des objectifs de Snyder. De ce fait, on sent que Snyder était venu les bras chargés d’idées malheureusement trop audacieuses pour lui et finalement perd son film en ne se concentrant que sur son image.

Dragon est l'un des ennemis de nos héroïnes

Mais alors, que reste-t-il ?

Ne retirons pas tout… si Sucker Punch est un mauvais film, il n’en est pas moins un bon trip vidéoludique qui concentre toutes les inspirations geeks du moment. Costumes et bestiaires, Snyder pioche allègrement tout ce qu’il aime et le partage avec son public, et sur ce point il sait se montrer généreux. Ce qu’on osait même pas imaginer se retrouve intégré sur la pellicule – numérique – , c’est tellement fait dans la démesure que c’en est à la fois affligeant et fascinant. La logique s’efface et laisse place à des enchainements d’actions sublimées par des éléments iconiques de l’univers de l’imaginaire. Fantasy, jeux de rôle, FPS, science fiction et fantastique, rien n’y échappe et on obtient une mixture aussi indigeste – par son manque de cohérence – qu’exaltant. Babydoll tranche des samouraïs colosses armés de mitraillettes, Amber s’envole dans un robot sorti tout droit de Sakura Wars, et on retrouve même des dragons et des zombies nazis dans tout ce festival.

Et là où Snyder peut recevoir tous les honneurs, c’est dans sa manière d’aborder des scènes épiques marqués du surréalisme le plus assumé. Les filles font des sauts angéliques avec une facilité déconcertante, portent des coups gracieux qui font mouche et ne connaissent pas la moindre égratignure. Un véritable ballet dansant. A la manière d’une longue cinématique de jeux vidéos, on admire le spectacle sans jamais être mis en danger, c’est dire l’implication du spectateur. Mais diable que c’est beau ! On notera un superbe plan séquence dans un train. La caméra suit d’une manière très fluide et lisible l’intégralité de la bataille. C’est survoleté, coloré, magnifié, et sorti tout droit d’une séquence d’introduction de Final Fantasy 13. On remarquera une bande son omniprésente et envahissante qui ravira les conquis et rendra fou les plus réticents.

A concentrer tout son savoir dans cette partie du film, le réalisateur peut transporter son spectateur comme il peut le lasser voire l’exaspérer.

Rocket, Sweet Pea et Blondie, prêtes à en découdre avec des nazis zombifiés

Depuis sa sortie, Sucker Punch suscite de vives réactions, violentes comme admiratives. Porté par de belles idées et trop d’ambitions, il se loupe méchamment et ne remplit pas du tout son cahier des charges. Une histoire peu exploitée, un concept répétitif, des actrices monofaciales, et une morale lourde… Sucker Punch porte en lui les bribes d’un film qui aurait pu être génial, et lorsque l’on visionne l’œuvre, on a que l’esquisse de ce qu’il aurait pu être si son réalisateur avait été plus regardant sur ses articulations. On raconte que le film aurait rencontré énormément de problèmes au niveau de la post-production, et se serait vu amputé de 18 minutes pour cause de scènes moralement dérangeantes. De la même manière, la fin aurait été totalement remaniée pour la rendre moins sombre. Il faudra donc attendre la sortie de la galette pour savoir si cela a eu réel impact sur la qualité du film – en admettant qu’un director’s cut soit prévu -.

Il n’empêche que Sucker Punch, c’est aussi un véritable plaisir coupable dans lequel on peut se plaire à se vautrer dedans, se relâcher totalement et se laisser embarquer. Passer d’un univers à un autre, prendre le contrôle d’un mecha, pourfendre un dragon peut être clairement jouissif si l’on délaisse le reste. C’est un peu comme mordre dans un sandwich bien gras de fast food, on sait que c’est mauvais, et qu’habituellement on préfèrerait un plat gastronomique, mais c’est quand même parfois tellement bon et limite proche de la transgression, que ça se dévore sans sommation.

C’est un peu ce que j’ai ressenti en regardant Sucker Punch que j’ai suivi avec beaucoup de plaisir et ma seule envie a été de mettre la main sur une arme lourde et de rejoindre les héroïnes pour me déhancher avec classe au milieu de zombies que j’aurais éventrés, sur un son bien rock !

Et si l’on pousse ma naïveté et ma faculté à m’investir dans une œuvre dès que certains éléments raisonnent chez moi, je pourrais même affirmer que j’ai été surprise par la tournure des événements. Ô oui, Sucker Punch c’est mon trip sous acide avec plein de choses que j’aime, et pour lesquels je vibre. Et j’en reprendrai certainement !

Tags : Sucker PunchWarner BrosZack Snyder
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Gentle Geek 406

Que le geek chic clique!

7 commentaires

  1. C’est un « pour » parce que j’ai aimé le film :). Mais je n’allais pas encenser le film juste pour appuyer mon ressenti positif ;), alors que j’y ai vu de gros défauts.

  2. Ouh la la!
    Si quelqu’un va voir le film après une telle critique « positive », il a bien du mérite…

    J’ai personnellement trouvé qu’il s’agissait d’un excellent film.
    Dommage que les critiques ne s’appuient que sur les scènes d’action qui ne sont pas du tout le point important de l’histoire.

    Pour moi, un film subtil décrivant le combat tragique d’une gamine pour échapper au cauchemar de sa situation.

    Et surtout le plaisir de rassembler a postiori tous les indices laissés par Snyder pour essayer de deviner ce qui s’est « réellement » passé. De confronter les différentes interprétations, de se forger la sienne tout en ayant le sentiment que le film continue de nous échapper.

  3. En même temps, difficile de faire une critique positive sans spoiler la meilleure facette du film ^^

  4. OlivOliv> J’ai beaucoup aimé, et lorsque j’ai écrit cette critique, je me suis retrouvée bien embêtée parce que j’avais bien vu que dans l’ensemble, ça ne donnait pas forcément pas envie. Seulement, je ne pouvais pas occulter le fait que le film était bancal et je comprends aisément qu’il n’atteigne pas une partie du public car du point de vu de sa construction, Sucker Punch est sacrément maladroit, répétitif. A mon sens, sa 1ère réussite réside dans ses scènes d’action et son esthétisme (qui peut en agacer certains, mais j’ai totalement adhéré).

    Quant à l’histoire, c’est un aspect que j’ai apprécié tout simplement parce qu’en étant rentrée dans le film, j’ai accepté de faire la démarche d’en savoir plus et de me creuser la tête pour en comprendre les tenants et les aboutissants. Mais je ne peux pas sciemment dire que c’est réussi dans le film. Je pense que l’idée de base (sur papier, ou dans l’esprit de Snyder) est vraiment intéressante et qu’elle recèle beaucoup de surprises, mais son traitement à l’écran est totalement raté et au final, Snyder la maltraite en faveur de son action. Et ça donne comme une impression que c’est le spectateur qui donne de la consistance à l’histoire en étoffant l’univers, alors que le scénario tient finalement sur une feuille de papier toilette. En ce sens, j’ai l’impression qu’il y a un goût d’inachevé : de belles idées, un mauvais rendu.
    Mais comme j’ai aimé Sucker Punch, j’ai pris plaisir à creuser d’avantage. J’ai fait cette critique en me basant sur mon ressenti et en essayant de dire que même si je suis consciente que le film est sacrément saboté, il reste un petit quelque chose qui fait qu’on peut se prendre d’affection pour lui.

    Sunk> Oui j’ai lu aussi cette interprétation, et je rejoins assez ce qu’il a dit :). Même s’il a été bien plus loin que moi dans la démarche XD.

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