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Cinéma

[Interview] Charlie Adlard, dessinateur de The Walking Dead

Quand on voit les hordes de zombies décapités et les scènes de tortures insoutenables qu’il est capable de dessiner dans The Walking Dead, on a du mal à croire que l’homme généreux et bavard que l’on trouve en face de soi durant une interview est le responsable de ce brillant carnage en noir et blanc. Et pourtant, Charlie Adlard est une crème, passionné par son boulot et qui en parle en conséquence. Sa venue en France à l’occasion de la sortie du volume 13 a donc été l’occasion de discuter avec lui du tournant que prend le comic book, du personnage de Rick et de la série télévisée. Attention, spoiler inside !

Comment ça va ? Les fans français vous accueillent bien ?

Les français sont très ouverts et accueillants. C’est vraiment un plaisir de venir en France et de faire des dédicaces. Je suis un grand fan de l’industrie de la bande dessinée française. Donc c’est très agréable de venir ici, où la bande dessinée est beaucoup plus respectée qu’aux Etats-Unis, par exemple.

Vraiment ?

Oh oui, vraiment. Beaucoup plus. Il n’y a pas ce genre de boutiques comme ici avec un rayon entier dédié à la BD. Il n’y en a pas aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne. On retrouve plutôt ce genre d’ouvrages dans des boutiques spécialisées, le genre d’endroit que le grand public va trouver un peu « bizarre » avec plein de figurines. C’est un milieu qui est beaucoup plus industriel et commercial.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce qu’il se passe dans le volume 13, qui vient tout juste de sortie en France ?

A la fin du volume 12, les personnages arrivent dans une communauté à Washington DC, miraculeusement épargnée par les zombies et où les gens vivent en autarcie. Et dans le volume13, nos héros vont apprendre à coopérer avec les résidents et tenter de retrouver un semblant de normalité, en essayant de mettre les zombies derrière eux et aller de l’avant.

Le fait que les survivants trouvent un abri où les zombies ne les atteignent pas, ça rappelle un peu l’épisode de la prison…

C’est une situation qui est différente car dans la prison, il n’y a que les personnages principaux, ils sont une douzaine à ce moment-là et continuent à survivre au jour le jour car les zombies rôdent toujours. Ici, c’est différent car les zombies sont définitivement à l’écart, ils ne peuvent pas passer la porte. Bien sûr, il y a certains personnages qui prennent le risque de sortir de la zone protégée mais c’est uniquement pour sécuriser la communauté. Et à l’intérieur, il y a des règles, et il y a tout pour vivre de façon indépendante : un docteur, une école, les enfants peuvent jouer dans la rue…

C’est un microcosme de société, très différent de la prison où les personnages se contentaientd’essayer de survivre dans un environnement pas vraiment agréable, avec les zombies visibles… Ici la communauté est solide, on ne voit pas les zombies et psychologiquement c’est important pour les personnages.

Physiquement, Rick, le héros, redevient plus « humain » dans ce tome, il est rasé de près, coiffé, porte à nouveau un uniforme de policier… Comment vous gérez l’évolution de ce personnage ?

C’est vrai que ça fait bizarre de voir Rick sans sa barbe, on à l’impression de revenir plusieurs tomes en arrière, il se reprend… Mais psychologiquement il n’est pas encore stable, même si au départ il prétend que ça va pour rassurer son fils Carl.

Physiquement, sa transformation participe à l’utopie que représente cette communauté qui semble parfaite aux yeux de tous : ce n’est pas comme dans l’épisode du Gouverneur, où il y a un méchant clairement identifié. Ici, c’est plus subtil, il faut lire entre les lignes, derrière les apparences et la politique, comprendre les mécanismes de la communauté et c’est ça qui empêche l’esprit de Rick de trouver le repos. Ca va entrainer une explosion à un moment, et là ne je parle pas des zombies !

A ce stade, c’est difficile de concevoir que Rick puisse retrouver un semblant de vie normale…

C’est un livre où vous avez physiquement peur que le personnage principal puisse mourir. Et c’est une bonne chose quelque part, car je pense que nous avons atteint un objectif primordial. Je ne laisse rien au hasard vous savez, nous pourrions facilement tuer Rick et si nous le voulions et la série pourrait continuer. Nous ne l’avons pas fait cependant… pas encore !

Pour être honnête, je ne sais pas ce que Robert (NLDR : Kirkman, le scénariste) a prévu et il peut facilement changer d’avis : un jour il aura envie de le garder en vie et le lendemain décider de le tuer.

Je pense que c’est vrai lorsque les scénaristes disent que les personnages détaillent la trame principale et comment ils décident de l’histoire. Pour The Walking Dead, je pense que cela se vérifie parfois avec Robert, et que les personnages lui montrent la voie à suivre.

L’éventuelle mort de Rick ne sonnerait donc pas le glas de la série ?

Pas nécessairement ! Je ne dis pas qu’il va mourir ! Mais l’histoire pourrait parfaitement continuer sans lui. En clair, personne n’est en sécurité. Ce n’est pas comme si nous avions des personnages-clés qui doivent absolument être protégés du début à la fin.

Vous travaillez en Angleterre, alors que le scénariste, Robert Kirkman, travaille depuis les USA. Dans quelques conditions cela se passe-t-il pour The Walking Dead ?

Ce n’est pas une question de conditions. Je pourrais parfaitement habiter à côté de chez lui et travailler de la même façon. Tant qu’il y a des e-mails, un ordinateur, un scanner, il n’y a pas de problème. Et peut-être un peu moins important : le téléphone ! Nous pourrions travailler de n’importe où. Robert pourrait se trouver au sommet de l’Himalaya et je pourrais me retrouver à 20 000 lieux sous la mer, de l’autre côté du monde…. cela n’aurait pas d’importance. Donc je pense que le problème de la distance n’en est pas vraiment un en soi de nos jours. Le seul problème  qui a éventuellement pu intervenir, c’est lorsque je dessinais les véhicules du mauvais côté de la route !

Il ne vous arrive jamais d’être en désaccord avec le travail de l’un ou de l’autre ?

Non, nous restons chacun dans nos domaines de compétence. Il ne me reproche rien sur ma façon de dessiner comme je ne lui reproche rien sur sa façon d’écrire. Il me prévient seulement s’il y a quelque chose qui ne va pas. Si par exemple je dessine deux mains à Rick (NLDR : Rick a une main amputée à ce stade de l’histoire) ou ce genre de choses stupides. Quand on travaille vite, on oublie parfois des choses évidentes. Il y a une expression britannique pour cela : « You can’t see the wood for the trees » (NDLR : on peut traduire par « On ne voit que l’arbre qui cache la forêt« ). Et cela illustre très bien ce qui peut arriver. Parfois quand on travaille vite, on ne peut pas voir les erreurs avant qu’il ne soit trop tard. Nous nous respectons donc mutuellement.

Parlons un peu de la série télévisée, qui cartonne aux USA malgré son côté glauque et sa violence. Pourquoi ça marche autant selon vous ?

Probablement pour les mêmes raisons qui expliquent le succès de la bande dessinée. Au final, c’est une série télé à propos de personnages, qui parle de leur survie. Contrairement à ce qu’on voit dans le milieu de la bande dessinée, personne n’a jamais fait de série avec des zombies à la télé. Et je pense que c’est seulement maintenant qu’il est possible de le faire, parce qu’il y a beaucoup plus de possibilités qui se présentent de nos jours . Il y a moins de censure et il est maintenant possible de faire une série d’une nature aussi extrême. C’était peut être le bon moment pour s’attaquer à un genre plus horrifique, plus extrême à la télé. L’idée d’une série d’horreur a complètement changé ces 10 dernières années, on ne peut plus aborder ce genre correctement d’un point de vue physique à moins de trouver un sujet plus « léger », comme des histoires de fantômes ou des choses qu’on ne peut pas voir. Et puis je pense que, dans la mesure où les thèmes abordés par la série ne se limitent pas seulement à des histoires de zombies et s’intéressent vraiment à des personnages forts et intéressants, on peut vraiment viser différents publics qui adhèrent finalement assez naturellement à l’ensemble.

Néanmoins, la série télé ne satisfait pas tous les fans du comic book, loin de là…

Je peux le comprendre, mais j’ai envie de dire aux fans de la BD d’essayer de s’accrocher un peu à la série télé avant d’abandonner. La série télévisée ne fait que 6 épisodes, alors que comic compte aujourd’hui 82 fascicules (NLDR: dans le comptage américain). C’est trop tôt pour juger ! La saison 2 comptera 13 épisodes. Bien sûr, si à la fin de la saison 2 vous n’accrochez pas, il sera sans doute temps de laisser tomber. Mais je suis convaincu que la série télé est un bon complément au comic.

D’ailleurs en parlant de la série télévisée : vous avez pris place au milieu des figurants durant le tournage… Alors, qu’est ce que ça fait d’entrer dans la peau d’un zombie quand on en dessine à longueur de journée ?

(rire) C’était vraiment épuisant ! Mais c’était très amusant, cela a duré 3 jours. C’était vraiment fantastique. Et concernant ma performance d’acteur, de mon point de vue, je crois que j’en ai un peu trop fait ! Si vous regardez la série, je vous défie de me voir car je n’apparais pas vraiment en fait. J’apparais peut-être dans certains plans mais je n’en suis pas sûr. Je n’ai pas réussi à me voir moi-même… j’ai même essayé de regarder certains passages image par image pour voir si j’apparaissais ! C’était une expérience fantastique quand même. Je voulais vraiment le faire parce que tout le monde sait qu’après l’excitation de la première expérience, tout devient plus ennuyeux.

Et ça fait du bien de faire quelque chose sur le tournage, car quand vous vous rendez sur un plateau en tant qu’invité, vous vous ennuyez un peu, vous ne savez pas trop quoi faire, vous n’osez pas parler aux gens car tout le monde à l’air très occupé alors vous finissez par vous mettre dans un coin sans bouger pour ne déranger personne. Le premier jour, j’ai été un peu inutile (rire) alors faire le zombie m’a permis de faire quelque chose d’utile par la suite. C’était super !

Walking Dead volume 13 : Point de non-retour disponible aux éditions Delcourt depuis le 16 mars. Un grand merci à Charlie Adlard pour son temps ainsi qu’aux éditions Delcourt.

Tags : Charlie AdlardcomicDelcourtFnacinterviewthe walking deadZombies
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !

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