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Les espèce de jarres au sol, savamment alignées, ça ne vous rappelle rien ?

Attendu comme le messie par tous les adorateurs de Ridley « Alien » Scott, Prometheus s’est enfin dévoilé en salle mercredi dernier. Tournage mystérieux, scénario remanié, acteurs qui n’avaient pas vu le final cut quelques semaines seulement avant la sortie du film… La Fox l’a joué stratégique avec la promotion de ce long métrage, initialement destiné à servir de préquelle à Alien, mais en fait non… mais en fait si ? Critique d’un film qui se cherche encore… pas de bol pour le spectateur.

L’Espace, 2093. Après 2 ans d’un long voyage, l’équipage du vaisseau Prometheus sort de son sommeil cryogénique à proximité de sa planète de destination. Parmi ce dernier se trouve Elizabeth Shaw et Charlie Holloway, deux scientifiques qui sont persuadés que la planète renferme la civilisation à l’origine de la création des êtres humains. Mais le berceau de l’Humanité pourrait également être son tombeau…

D’abord annoncé en 2009 comme étant une préquelle à Alien – c’est-à-dire destinée à dévoiler la genèse de la saga – le projet Prometheus a connu de multiples rebondissements. Scénario remanié plusieurs fois, conflit entre la Fox et Scott sur le budget et le rating du film… Présenté tantôt comme la genèse d’Alien, tantôt comme un film à part, Prometheus est finalement résumé par son co-scénariste Damon Lindelof – producteur exécutif de Lost et co-scénariste de Cowboys & Envahisseurs, déjà ça met moyennement en confiance – comme prenant place dans l’univers de la saga Alien, sans pour autant s’y rattacher vraiment. Déjà, le ni-oui-ni-non avait de quoi laisser perplexe. Clairement, c’est le défaut majeur du film.

Dans l’espace, personne ne vous entendra cogiter

Difficile de vraiment donner un avis objectif sur Prometheus sans spoiler mais, pour faire simple, disons que le film joue sur deux tableaux : le premier, le côté mythologique, pose la question des origines de l’humanité et des croyances, qui va plutôt miser sur le psychologique. L’autre côté, c’est la tendance science-fiction/horreur qui va jouer sur la pétoche qu’on peut attendre d’un tel film. En fait, hélas, les deux côtés tombent pas mal à plat.

Crédits: Twentieth Century Fox 2012
"Ah mais on est pas sur Pandora, en fait ?"

 

Prometheus a certes un côté sombre et glauque favorisé par un esthétisme qui provoque un certain malaise : un ressenti que l’on peut d’ailleurs avoir avec Alien premier du nom – une tendance reprise par les autres titres de la franchise dans une certaine mesure, mais seul le premier film a été réalisé par Ridley Scott. Dans le premier Alien, tout est basé sur la suggestion, les effets spéciaux et le budget de l’époque ne permettant pas de mettre en scène des monstres profondément effrayants, le réalisateur avait donc joué avec l’ambiance et les décors pour provoquer le malaise. Une dimension que l’on retrouve, dans une certaine mesure, dans Prometheus, où l’on passe le plus clair du film dans des caves glauques et des salles gigantesques dans lesquelles les protagonistes passent pour des insectes : à ce niveau-là, on reconnait bien la patte du réalisateur de Blade Runner.

Les espèce de jarres au sol, savamment alignées, ça ne vous rappelle rien ?

 

Mais cela est-il suffisant pour donner au film le côté stressant et suffoquant attendu ? Globalement, non. Car Prometheus, à l’inverse de son « modèle » Alien, se repose sur ses effets visuels grandiloquents qui monopolisent l’attention, et semble pousser le réalisateur à une certaine fainéantise quand il s’agit d’étoffer la mise en scène. Au final, on n’a jamais peur et on sursaute très rarement… par contre, des plans contemplatifs des décors, il y en a ! Côté horreur et violence à proprement parler, à part quelques courtes scènes qui sortent du lot, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent : on est donc loin du côté cra-cra des différents volets d’Alien, et de la tension psychologique ressentie en suivant Ripley. Pas glop.

 Joue-la comme Ripley

Côté casting, si l’affiche était prometteuse, la promesse n’est pas tenue : le personnage incarné par Charlize Theron, bien que très ambitieux, est tristement inexploité. De son côté, Noomi Rapace tente de s’en sortir avec ce qu’elle a, mais quoi qu’en pense Ridley Scott, il est difficile de ne pas tenir une comparaison entre Elizabeth Shaw et Ellen Ripley, pour la simple et bonne raison que le réalisateur leur offre à toutes les deux des scènes très similaires… et un destin finalement assez proche. Mais chut, on n’en dira pas plus. Reste qu’il est bien dommage que l’actrice, absolument fabuleuse dans la trilogie Millenium, n’arrive pas à s’imposer davantage que comme une scientifique idéaliste qui finit bien vite par déchanter – un profil pas du tout cliché, non non.

Seule véritable révélation du film, Michael Fassbender qui, en incarnant l’androïde David, montre une nouvelle facette de son talent après son interprétation du jeune Magneto dans X-Men: First Class.

Mais, mais... c'est IDA !

 

En fait, le principal problème du casting, c’est qu’il donne l’impression d’avoir été briefé au compte-goutte – ce qui n’est pas qu’une impression, le scénario ayant été auréolé de mystère même durant le tournage du film. Du coup, on a parfois l’impression d’une certaine « tendance roue-libre » : certes, l’intrigue-même du film appelle à une découverte perpétuelle d’un environnement inconnu, mais quand l’acteur semble avoir du mal à y croire… quid du spectateur ?

Finalement, préquelle ou pas préquelle ?

Le constat mitigé concernant Prometheus atteint son paroxysme lorsqu’on aborde cette épineuse question : le film est-il, ou pas, une préquelle d’Alien ? C’est peut-être la seule interrogation autour du long-métrage qui peut susciter un débat véritablement houleux… et c’est d’ailleurs sur ce point que Prometheus est finalement le moins convaincant.

D’un point de vue scénario, le film cumule les références : les robots humanoïdes, la compagnie Weyland – qui n’a pas encore fusionné avec Yutani – les Space Jockey – ou Ingénieurs dans la version française – ainsi que des décors où de nombreux détaillent laissent imaginer une version plus « alienisée » de l’ensemble… autant d’éléments et de thèmes présents dans la saga Alien depuis ses débuts. Au niveau réalisation, plusieurs scène sont des échos, hommages, références, au film original de Ridley Scott : la fin du film est particulièrement éloquente sur ce point, et on a d’ailleurs un peu l’impression que le réalisateur attend la dernière minute avant de donner une réponse à cette question au spectateur. Réponse qui ne satisfera pas tout le monde.

Néanmoins, le film est bien loin de « combler les trous » et laisse en suspend de multiples interrogations, susceptibles d’appeler une suite. Le cas échéant, on se retrouverait donc face à la première partie d’une préquelle… A ce rythme-là, ça peut durer longtemps. Et honnêtement… La saga Alien avait-elle besoin d’une préquelle ? Franchement ?

Bon, oui, c'est vrai, c'est beau.

 

L’impression que Prometheus se trouve « le cul entre deux chaises » est également accentuée par le fait que son histoire tiendrait totalement debout sans aucune allusion à l’univers d’Alien : les éléments de l’intrigue sont interchangeables à loisir, et les références ne sont finalement qu’accessoires, facilement zappables. Le rapprochement avec la saga culte de la science-fiction, fondatrice et source d’inspiration pour de nombreuses autres oeuvres, semble avoir été effectué plus par intérêt commercial que véritable volonté de proposer une genèse claire. Paradoxalement, la promotion du film n’a pas vraiment insisté sur ce rattachement, provoquant une certaine confusion dans l’esprit du public connaissant l’oeuvre originale. Pour les plus jeunes, ceux ne connaissant pas ou peu Alien, la question ne se posera pas : et commercialement parlant, c’est un avantage non-négligeable de jouer sur les deux tableaux en ne s’engageant ni vraiment dans l’un, ni vraiment dans l’autre.

Au final, Prometheus est une préquelle d’Alien sans vraiment en être une… mais là est-elle vraiment la question ? Si la thématique, l’origine, le réalisateur ou encore l’esthétisme du film appellent forcément un rapprochement – et, malheureusement, une comparaison – avec l’oeuvre fondatrice de Ridley Scott, même sans ça, Prometheus n’est pas sans défaut. Au-delà de la question du scénario, le film souffre également d’une mise en scène peu innovante et d’un casting qui aurait mérité d’être mieux exploité. Quant à la 3D, si on n’en parle pas dans cette critique, c’est tout simplement parce qu’elle ne sert – comme souvent – pas à grand-chose.

En hésitant constamment entre s’imposer comme une oeuvre indépendante à part entière et honorer son héritage mythologique, Prometheus ne parvient finalement à ne faire aucun des deux de manière efficace. Et c’est bien dommage, puisque le film propose tout de même quelques scènes de qualité – notamment une, qui risque de devenir culte – et de nombreuses idées intéressantes qui auraient mérité un développement bien plus étoffé pour conférer au film une véritable unité. La seule manière de tenter d’approcher le film avec un oeil peu critique semble d’être de prendre un maximum de recul, et finalement d’éluder Alien pendant deux heures, ce qui, Ridley Scott style faisant, s’avère a priori assez compliqué.

Prometheus de Ridley Scott, avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron, Guy Pearce… en salle depuis le 30 mai.

Crédits photos : Twentieth Century Fox 2012

Tags : AlienfoxNoomie RapacePrometheusRidley Scott
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !

14 commentaires

  1. Je ne pense pas que le film est fait pour faire peur, pour ma part…

  2. S
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    Je suis assez d’accord sur le fait que certains personnages méritent d’être approfondis. Notamment celui de Charlize Theron : une femme frigide et autoritaire qui est en fait une lâche détestable… On en croise pas tant que ça dans le cinéma ! Après la comparaison entre Show et Ripley tourne forcément à l’avantage de la seconde, c’était joué d’avance. Je trouve que Noomi Rapace s’en sort plutôt bien, même si le personnage reste assez stéréotypé. Après c’est clair que David sort du lot ! :p
    Sinon je suis d’accord avec toi, le vrai problème du film, c’est finalement sa filiation avec Alien qui empêche le scenario de se développer réellement et qui pousse à toujours tout justifier (le crash du vaisseau, l’apparition du xénomorphe…). D’ailleurs, la scène finale donne presque l’impression d’avoir été ajoutée après le montage, comme s’ils se sentaient obligés de mettre un Alien là dedans. C’est dommage car le potentiel était là, le questionnement sur le sens de la vie… Puis ça ouvre un vrai débat sur le créationnisme et le darwinisme, et c’est bourré de références bibliques (le fruit défendu dans les jarres).
    En fait Prometheus est un long film qui offre beaucoup à voir mais qui ne montre au final pas grand chose. On reste sur sa faim. :/

  3. S
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    Justement, comme la comparaison entre Shaw et Ripley était inévitable, il aurait fallu éviter de permettre une comparaison aussi évidente :/… J’aime beaucoup Noomie Rapace et elle a clairement le potentiel pour jouer un personnage plus profond que celui-là…
    Et je suis d’accord pour la scène finale. Je comprends tout simplement pas où Ridley Scott a voulu en venir.

  4. S
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    Après en y réfléchissant – et je pense que tu ne seras pas du tout d’accord avec moi – je trouve qu’il y a du génie dans ce film. On ressent la même sensation en sortant du film que les personnages quand ils découvrent la vérité sur leur origine : on est perplexe. Au final, dans le film, les humains sont issus d’un mélange de liquide noir et de l’ADN des Ingénieurs. C’est une expérimentation amusante, qui semble être lié à un rituel (cf la scène du début ou l’ingénieur se sacrifie, avec une sorte de tenue cérémonielle, avec un vaisseau différent des croissants habituels). L’expérience humaine a visiblement mal tourné et les créateurs ont voulu en finir avec eux pour retenter l’expérience. La réponse à la fameuse question est finalement donnée dans le film : elle ne correspond juste pas à ce qu’on attend ni à ce qu’on espère.
    Après c’est dans le traitement scénaristique que le problème est présent. Je pense que le parallèle humains / robots et ingénieurs / humains aurait dû etre bien plus poussé. On aurait pu avoir un grand film. Au lieu de ça, c’est un film plein de bonnes intentions qui finit par tomber un peu à l’eau. Rahhhh je suis frustré et indécis sur ce que je pense du film !

  5. S
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    Clairement je suis pas d’accord pour dire qu’il y a du génie dans ce film x) Il y aurait pu en avoir, c’est certain ! Malheureusement le film se cherche en permanence, du coup ce qui aurait pu en faire un truc génial se vautre le cul entre deux chaises.
    Puis honnêtement, le coup du « cherchons nos origines » pour finalement découvrir que les êtres fantasmés par les scientifiques sont de gros enfoirés, c’est totalement cliché et c’est facile de le voir arriver à des kilomètres… enfin je trouve. Du coup compte tenu de ça j’attendais vraiment autre chose de la fin, un truc énorme, mais en fait non. Comme tu l’as dit on reste vraiment sur sa faim parce qu’on ne sait pas trop ce qu’on a vu, mais on est certain de ne pas avoir vu ce qu’on voulait voir (oui, c’est pas très clair, mais ça reste dans le ton)

  6. Oui, c’est en gros ce que j’ai voulu exprimer (difficilement). On est déçu car ce n’est pas ce que nous voulions voir. lol

    Mais voilà. En faisant le point sur ce que j’ai aimé et pas aimé dans le film, j’ai globalement l’impression de m’être fait enc****. Par contre je ne sais pas dire si j’ai aimé ça ou pas. :D

  7. Je ne porterai pas de jugement sur les petites choses de la vie que tu apprécies ou pas, cher Russ x)
    De toute façon depuis le début de l’année, je suis souvent déçue par les trucs que j’attends (sauf pour Avengers que, paradoxalement, je n’attendais plus vraiment)

  8. S
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    Pourquoi Charlize Theron (diablement sexy j’ai hate de la voir dans blanche neige) lâche détestable ? Parce qu’elle préfère s’enfuir a la fin plutôt que de mourir avec les autres?

    La première moitié du film est super et annonce quelque chose de grandiose malheureusement on tombe dans le film de monstre raté. Avec les éternels gens perdu du groupe (alors qu’ils ont cartographié la zone 5 min avant), la scène de l’accouchement honteuse autoreprise, etc … Alors que ça aurait pu être un film de sf magnifique.

    Pourquoi david contamine gratuitement le mec (et shaw) au fait, par jalousie ? pour expérimentations aux ordres du vieux? je trouvait son personnage extra pas besoin qu’il tombe dans le diabolique ….

  9. S
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    Lache détestable car froide, ne prend aucun risque, puis meurt de manière pathétique. :)

  10. S
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    Ok froide, parce qu’elle est a la tête d’une grosse entreprise et que c’est une femme, il faut qu’elle s’impose.
    Fermer les porte ou bruler le mec pour ne pas qu’il contamine les autres, moi j’appelle ça du pragmatisme, j’aurais fait pareil.
    Et on vois aussi son coté humain.

    Pour sa mort on y peut rien si le scénariste a décider de la faire mourir stupidement en courant dans le sens du roulement afin que seule l’héroïne puisse survivre.

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