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A l’occasion de l’Etrange Festival, GentleGeek a eu la chance de pouvoir rencontrer le réalisateur japonais Sono Sion, qui, un an après avoir remporté le Prix du Public en 2013 avec Why Don’t You Play In Hell?, présentait cette année son dernier film Tokyo Tribe. Nous avons pu lui parler de son dernier effort, mais aussi de ses futurs et nombreux projets et de son amour pour Babe.

 

Comment définissez-vous le terme Étrange ?
C’est une question difficile. Je dirais que c’est ce qui immoral, hors du commun à la différence, contrairement à un parc d’attractions, un cirque ou une maison hantée. Il n’y a pas d’étrange dans tout cela. L’étrange c’est pour moi le surgissement d’un phénomène curieux dans le quotidien.

Pourquoi avez-vous choisi d’adapter le manga Tokyo Tribe ?
C’est un projet que l’on m’a apporté et j’ai d’autres projets d’adaptation de mangas en cours. Mais je vais compte arrêter de faire des adaptations de mangas car c’est moins intéressant pour ma créativité. Pour devrais-je me lancer dans des histoires écrites par quelqu’un d’autre alors que je peux écrire mes propres histoires ? Là, je l’ai fait pour l’expérience, mais dorénavant je préfère m’orienter vers des créations originales, que j’aurais écrites moi-même.

Sono Sion - Etrange festival 2014 - 1Pourquoi avoir changé la raison de la haine entre Mera et Kaï, ce qui a pu gêner les fans du mange, et faire rire les autres ?
La raison de leur haine est différente de l’original, mais dans la plupart des mangas actuels, au Japon, quand il y a une histoire de rivalité entre deux personnages, c’est presque toujours une histoire de vengeance par rapport à des rancunes du passé. Je trouve que c’est des choses qu’on a beaucoup trop de vues, et ça commençait à m’ennuyer. Au Japon, il y a aussi des tension pour des raisons de racisme, avec les autres pays. J’ai voulu prendre de la distance et montrer que ces grands conflits viennent à la base de raisons totalement stupides comme tous les grands conflits dans le monde. C’est pour me moquer de ça que j’ai comparé ces guerres à des histoires de taille de sexe. Je voulais aussi faire un film dans lequel on s’amuse vraiment, je ne voulais pas de thèmes de trop lourds, je voulais faire quelque chose de léger. Tokyo Tribe, c’est un manga en 12 volumes, donc de par sa longueur, c’est impossible de résumer le manga en deux heures de film, il faudrait plutôt en faire une série de six heures. Dans le manga original, l’un croit que l’autre a tué sa copine, donc il y a une rancœur de cette ampleur, à résumer en 1h40, ça me paraissait difficile, et dans l’original, Mera tue des membres du gang de Kaï, et tout ça, avec à la fin, la réconciliation, c’était impossible à faire tenir en si peu de temps. Pour Tokyo Tribe, je me suis inspiré de films comme West Side Story et quand je revois ce film, je me dis qu’à part les scènes de chant et de danse qui sont très agréables, l’histoire en elle-même est assez ennuyeuse. Le film pourrait presque se contenter des chants et des danses. C’est vrai que je me suis vraiment éloigné du manga original, mais quand j’adapte un manga, ça ne m’intéresse pas d’y rester fidèle. Je ne peux pas m’empêcher d’y apporter ma touche personnelle. Du coup ça peut effectivement provoquer la colère des fans et je me dis qu’il faut que j’évite dorénavant d’adapter des mangas. Et les fans de mangas ont des réactions parfois très violentes. En plus dans les mangas, les personnages ont souvent des tenues et des coiffures improbables et si je restais fidèle à l’œuvre, on aura l’impression de se retrouver dans un salon de cosplay et ça m’intéressait pas de faire ce genre de film.

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L’année dernière vous n’étiez pas présent à l’Étrange Festival pour Why Don’t You Play in Hell? car vous vous étiez sur Tokyo Tribe. Là, vous venez de terminer un film de kaiju. C’est difficile de vivre deux films à la fois ou plus ? De s’occuper de la promotion d’un film et du montage d’un autre en même temps ?
C’est vrai que Tokyo Tribe me paraît très lointain maintenant, j’ai l’impression de parler d’une fille que j’ai quittée il y a déjà cinq ans… J’ai deux films déjà terminés, Love and Peace et Shinjuku Swan, sur lequel je dois encore terminer le son. Et dès que je vais rentrer au Japon, je vais commencer le tournage d’un film de science-fiction et je prépare trois autres projets de films pour cette année encore. Tokyo Tribe fait partie d’un processus de réalisation de plusieurs films. C’est plutôt Love and Peace qui me tient plus à cœur. Mais Tokyo Tribe reste un film très précieux pour moi.

Vous avez été poète et écrivain avant de devenir cinéaste. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire du cinéma ?
Je ne saurais pas vraiment répondre à cette question. C’est comme si, à mon insu, je m’étais retrouvé à réaliser des films.

Vous réalisez plusieurs films par an et ce n’est pas toujours facile de les voir en France, où ils ne trouvent pas toujours de distributeurs. Est-ce plus facile de trouver des producteurs et distributeurs au Japon ?
Pour chaque film je travaille avec des gens différents, qui ont chacun leur propre réseau de distribution et de production, ce qui me permet de distribuer tous mes films. Et c’est complètement nouveau pour moi de bénéficier d’autant d’attention. Le fait que quelques-uns de mes films puissent être présentés à l’étranger, cela me rend très heureux.

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Au Japon, beaucoup de mangas et de jeux vidéo traitent d’histoires de gangs rivaux. Ces affrontements de bandes rivales sont une réalité en France, aux États-Unis et en Angleterre. Au Japon, c’est une réalité aussi, ou un imaginaire populaire ?
C’est comme si vous me demandiez si les super-héros des films américains, avec Spiderman ou Superman, sont basés sur des faits réels. Il n’y a pas du tout d’histoires de gangs au Japon, ni de lycéens aussi extravagants. Ce sont en quelque sorte nos Spiderman et Superman. Vous avez sûrement remarqué que les gangs se battent mains nues, c’est une sorte de loi dans les films asiatiques. De toute façon au Japon, le port d’armes n’est pas autorisé. Il arrive que des touristes demandent à la réception de leur hôtel à voir des ninjas, et insistent, en pensant que c’est secret. Mais non, il n’y en a pas.

Vous tournez plusieurs films où trouvez-vous, puisez-vous votre créativité ?
Je n’ai pas trop conscience de cela. Quand je regarde les autres réalisateurs japonais, je vois bien qu’il y a une différence. Je n’ai pas fait d’études de cinéma, c’est mon amour pour le cinéma, particulièrement pour le cinéma étranger qui m’a conduit à faire des films. J’ai conscience d’être un réalisateur un peu tordu et dénaturé par rapport aux autres, mais je ne saurais pas vraiment répondre à cette question.

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Vous avez surpris tout le monde en présentant Babe 2 dans votre carte blanche au festival. Quel est votre top 5 ou top 10 cinéma en matière de référence culte ?
Babe 1 est mon film préféré, je le répète depuis des années, j’ai même un poster de Babe dans ma chambre ! Et Babe 2, c’est Mad Max, version animaux ! J’aime aussi beaucoup Le Combat sans code d’honneur de Kinji Fukasaku.

Le mot de la fin ?
Concernant Tokyo Tribe, je suis vraiment heureux que le film soit distribué en France. J’espère que les spectateurs iront voir le film comme ils vont s’amuser en boîte et j’aimerais revenir en France à cette occasion pour pouvoir m’amuser avec eux. D’autant plus que pour la projection à l’Étrange Festival, on m’a dit qu’Alejandro Jodorowsky est entré le premier dans la salle. Après la projection, il m’a envoyé un message personnel pour me dire qu’il a beaucoup apprécié le film. Cela m’a énormément touché.

 

Merci Sono Sion et à sa traductrice, ainsi qu’à toute l’équipe de l’Etrange Festival et notamment Xavier Fayet.

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Marie

Gentle Geek Marie

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