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Cinéma

[Interview] Timo Vuorensola, réalisateur d’Iron Sky

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Après avoir fait du bruit pendant quelques temps sur le web, puis avoir parcouru un bout de chemin à travers différents festivals de par le monde, Iron Sky, film narrant l’invasion de nazis ayant colonisé la Lune, sort en DVD et Blu-Ray le 18 février. Pour l’occasion, Timo Vuorensola  était de passage à Paris. Rencontre. 

  • Timo Vuorensola : Un type pas là pour plaisanter.

La première fois qu’Iron Sky a été projeté en France, c’était lors d’un festival, et le présentateur du film a  raconté une anecdote. Il disait que l’idée d’Iron Sky était venue lors d’une soirée – de type « pizza et bière » si je me souviens bien – et que l ‘idée avait jailli entre vous et vos amis. C’est ainsi que vous auriez commencé à travaillé avec l’un d’entre eux sur ce qui deviendra Iron Sky. Est-ce vrai, ou est-ce une légende ? Plus concrètement, comment est né le projet Iron Sky

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Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Wreck-a-Movie, la plate-forme que vous avez créée et utilisée pour financer votre film ?

A vrai dire, nous n’avons pas utilisé Wreck-a-Movie pour financer le film. C’est une plate forme collaborative qui nous a permis de travailler sur l’histoire et le monde d’Iron Sky en lien avec les fans. Par exemple, nous demandions toute sorte de chose, du type « aidez-nous à créer les soucoupes volantes des nazis », « aidez-nous à faire le design de la forteresse sur la lune », « quelles sont vos idées sur tel sujet ? », et ainsi de suite. Alors les gens faisaient des propositions, et nous choisissions ce que nous voulions utiliser ou pas. Mais je restais décideur sur ce qui était retenu dans le film, ce n ‘était pas l’internaute qui décidait. En quelque sorte, c’était dictatorial comme procédé, pas très démocratique !

Ensuite, nous avons aussi fait appel à du financement par Internet. Nous avons mis en place un système appelé « Iron Sky fan investments » ! L’idée était de permettre aux fans d’investir un peu d’argent dans le film, et quand le film était vendu dans les différents pays, alors la personne récupérait sa mise petit à petit. C’était un investissement propre. Ça a très bien marché d’ailleurs, nous avons récupéré 1,2 millions d’euros grâce à ce système.

 

Pour un budget total de 7,5 millions ?

A peu près 8 millions d’euros, pour être plus précis.

 

Pensez-vous que le film aurait pu se faire sans cette communauté ?

Certainement pas ! La conception du film a été très orientée sur la participation d’une communauté. Cette communauté a été impliquée dès la création d’idée, dans la production du film, le financement, et quand le film est sorti, ils ont continué à jouer un rôle important en faisant parler du film, en passant le mot pour le faire connaitre à un plus large public.

 

Parlons du contexte de production, justement. Iron Sky mélange la comédie et l’humour noir et des nazis. Un sujet qui pour certains reste sensible ou tabou, et qui est majoritairement abordé au cinéma sous l’angle du drame ou de la fresque historique. Récemment, dans les films à large audience, on peut citer Inglorious Basterds qui prenait une direction plus ludique et ouvertement moqueuse. Est-ce que les producteurs vous ont demandé de ne pas aller trop loin dans l’humour ? Vous a-t-on demandé de réécrire certains passages ?

Pas tellement, en fait. Nous avons bénéficié d’un soutien très fort des producteurs sur toutes les idées folles que nous avions. Quelques fois, nos producteurs allemands nous disaient « tu sais, tu ne devrais pas aborder tel ou tel aspect, ça peut être choquant », mais c’était rare.

En réalité, nous étions nous même les plus sévères à l’égard de notre travail, car nous réalisions qu’il y avait des choses dont nous pouvions nous moquer, et d’autres non. Donc nous avons dessiné une frontière à ne pas franchir : nous avons décidé que nous pouvions rire du nazisme, du fascisme, de la façon dont les nazis parlent, pensent, s’habillent, marchent, et ainsi de suite, mais que nous ne devions pas rire des victimes du nazisme. Cette décision a rendu les choses plus faciles lorsqu’il a fallu séparer les bonnes vannes et les mauvaises blagues.

 

De gauche à droite, Timo Vuorensola, Peta Sergeant et Stephanie Paul.
De gauche à droite, Timo Vuorensola, Peta Sergeant et Stephanie Paul.

 

Combien de temps s’est écoulé entre l’écriture du scénario et le début du tournage ?

Nous avons commencé à écrire le premier jet du scénario en 2006 il me semble, peut être même avant, en 2005 ! Fin 2005, assez tôt donc ! Et nous avons tourné le film en 2010, donc il y a eu un processus de 5 ans pour l’écriture du script et parvenir à sa version actuelle.

 

Comment avez-vous créé la technologie utilisée par les nazis dans le film ? Vous êtes-vous inspiré de l’aviation qui existait à cette époque ?

Nous nous sommes basés sur 3 choses. Nous nous sommes d’abords basés sur les véhicules militaires existants de la Seconde Guerre mondiale : tanks, avions, bateaux, porte-avions, etc. Ensuite, nous nous sommes basés sur le projet d’OVNIs légers pensés par les nazis. Ils avaient décrit cela de façon très détaillée, il y avait des plans de soucoupes volantes, ils n’en ont probablement jamais construit ou testé, mais il y avait des plans assez précis, des engins assez dingues. Enfin, nous nous sommes également inspirés de l’esthétique du mouvement Steampunk, déjà très implantée dans les jeux vidéos, mais qui transparaît aussi dans des films, notamment des films français comme Delicatessen, enfin, surtout La cité des enfants perdus, ou dans certains Ridley Scott. C’était un peu une combinaison de tout cela.

 

Comment avez-vous créé les effets spéciaux du film ? Ils sont plutôt impressionnants et réussis, notamment lors de la bataille de fin, qui est juste incroyable. Le budget relativement faible pouvait laisser craindre des effets spéciaux moindres…

J’ai fait un film appelé Star Wreck. Il est sorti en 2005. Nous avons travaillé sur ce film pendant 7 ans, nous avons commencé en 1998. C’est une comédie de science fiction parodiant Star Trek, avec beaucoup d’effets spéciaux. Donc, quelque part, on avait déjà eu l’occasion de sérieusement s’entraîner dans ce domaine et développer nos capacités.

Mais pour Iron Sky, nous savions que nous serions en compétition avec les meilleurs, et qu’on ne pouvait pas se permettre de se rater… Et puis je DÉTESTE les effets spéciaux mal faits. Il n’y a rien que j’aime plus que de beaux CGI. Parfois de mauvais effets spéciaux te font carrément sortir du film. Je déteste les effets spéciaux merdiques. On souhaitait vraiment faire quelque chose qui tenait la route visuellement. Alors avec notre expérience issue de Star Wreck, nous avons rassemblé les meilleurs spécialistes de Tampere, en Finlande, et nous sommes aussi allés chercher quelques gars à la réputation solide au Canada et aux Etats-Unis, qui ont travaillé sur Battlestar Galactica, entre autres. On a donc formé une équipe plutôt réduite de 20 personnes environ, rassemblée à Tampere, en Finlande, qui a vécu là-bas pendant un an, et qui a conçu l’ensemble des effets spéciaux. Cette petite équipe nous a fourni près de 809 effets spéciaux, soit à peu près autant qu’un film Transformers. Ils ont été très dévoués à leur tâche.

 

L’ensemble du film semble traversé par un humour très inspiré par Mel Brooks, parfois quelques touches Pythonesques, et d’autres films sont mentionnés explicitement dans le film, comme Le Dictateur de Chaplin, où cette scène reprenant un passage du film La Chute. Quelles sont les influences d’Iron Sky ?

Les influences d’Iron Sky sont à chercher du côté de films assez variés, principalement Starship Troopers et Docteur Folamour, deux films qui comptent beaucoup pour moi. Il y a, bien sûr, Le Dictateur. Mais toutes ces influences se mélangent dans Iron Sky.

Nous avons également truffé le film de références à la Pop culture, dont la plupart des gens sont certainement passés au travers, car cela allait de références obscures à un comics inconnu du milieu des années 70 aux plus gros memes d’Internet. On balançait ces références tout au long du film, j’aime beaucoup faire cela, c’est amusant. C’est aussi intéressant de voir que certains vont en trouver certaines, d’autres, non, mais vont trouver autre chose. Par exemple, la scène reprenant « La Chute », certains l’ont devinée, d’autres non.

Dans la salle, quand ce passage arrive, c’est drôle de voir ceux qui reconnaissent la scène et se mettent à rire, tandis que d’autres ont plutôt l’air de se demander « mais pourquoi rigolent-ils ? C’est juste une femme qui hurle sur des gens ». Alors à la fin du film ils viennent vers moi et me disent « Il n’y a qu’une chose que je n’ai pas saisie, pourquoi tout le monde riait lors de cette scène où elle hurle sur tous ces gens ? »

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Timo, lors de l’avant-première du film à Paris, le 5 février.

 

Comment vous est venue l’idée de placer cette scène de La chute ici ?

Je ne sais pas trop, ça m’est apparu un peu comme ça. Je me suis dit « ça serait sympa à faire » ! Mais j’ai du convaincre les acteurs que c’était une bonne idée, et ils étaient tous un peu médusés par la proposition. Alors je leur ai montré la vidéo sur Internet en leur expliquant : « voila ce que je veux » mais ils semblaient toujours sceptiques… Ils n’ont compris ce que je voulais que lorsqu’ils ont vu la scène au sein du film. Mais c’était une idée amusante.

 

Aujourd’hui, Iron Sky c’est aussi un jeu vidéo, sorti il y a quelques semaines, et un comics. Avez-vous été impliqué dans ces projets ?

Pour ce qui est du comics, j’ai un peu supervisé l’histoire. S’agissant du jeu vidéo, j’étais au courant des étapes de sa production. Je n’étais pas totalement  impliqué dedans, mais nous avons fait en sorte que le jeu vidéo s’accorde bien avec l’univers d’Iron Sky. Mais je n’ai pas vraiment été impliqué « directement », dans aucun de ces deux projets.

 

Avez-vous joué au jeu, ou connaissez-vous des gens qui y ont joué ?

Oui je connais quelques personnes qui y ont joué.

 

Étaient-ils satisfaits ?

Je crois que oui. Je crois que c’est un jeu de tir assez sympa, de ce que j’en sais en tout cas, mais je n’y ai pas encore joué. J’ai essayé de l’installer sur mon ordinateur, mais ça ne marchait pas car ma carte graphique était trop ancienne. Mais il va bientôt sortir sur PS3, à laquelle je joue pas mal. Donc là tout de suite, je ne peux pas vraiment répondre.

Mais j’ai entendu quelques bonnes choses à son sujet, notamment que les gens trouvaient que ça rapprochait de jeux plus rétro du type Wing Commander dans l’esprit. Si c’est aussi bon alors ça me va !

 

Parlons un peu du casting. Nous avons rencontré Julia Dietze, votre héroïne, et dans le film joue également Götz Otto, vu notamment dans La liste de Schindler ou Demain ne meurt jamais. Comment avez-vous constitué le casting ? Aussi, parmi vos acteurs se trouve Udo Kier, une vraie figure du cinéma de genre, avec une immense filmographie. Comment était-ce de travailler avec lui ?

Et bien pour réunir l’équipe de comédiens, nous avions tout simplement un excellent directeur de casting en Allemagne, qui nous a suggéré Julia et Götz, et les autres. Concernant Udo Kier, il était clair dès le départ que je voulais travailler avec lui ! Je le suis depuis pas mal de temps, notamment depuis My own private Idaho, mais surtout L’hôpital et ses fantômes, la série de Lars Von Trier. Donc je voulais travailler avec lui, et c’était une expérience vraiment plaisante. Udo et moi sommes devenus de bons amis, on s’envoie souvent des mails. Et quand je dois me  rendre à Los Angeles, je vais toujours lui rendre visite. J’envisage de travailler avec lui sur mon prochain film.

C’était une bonne équipe, un bon casting, il n’y avait pas d’acteurs difficiles ou capricieux. J’ai entendu tellement d’horreurs sur le comportement de certains en tournage. Mais pas ici, on avait une très bonne équipe. Je pense que c’est aussi du au fait que tous ont compris que c’était un projet un peu spécial, qui demandait plus que de simplement se pointer et être soi-même. Ce film demandait d’en donner un peu plus.

 

Timo et Götz Otto.
Timo et Götz Otto.

 

Vous étiez un peu comme une famille ?

Exactement, on est devenu une sorte de famille. Nous étions tous au même hôtel, donc nous nous retrouvions tous les matins pour le petit déjeuner, nous allions ensemble sur le plateau, puis nous sortions tous ensemble le soir. Nous avons tourné dans des villes où personne n’avait de pied-à-terre, en Australie, à Francfort, donc nous étions simplement tous ensemble, toute l’équipe. Et c’était vraiment une expérience plaisante.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la séquelle d’Iron Sky ? Cela se passera sur Mars ?

Je ne peux pas trop en dire, on est en train de rassembler les idées pour élaborer une sorte de mythe des nazis de la lune et creuser cela plus profondément, en quelque sorte.

 

Comment voyez vous le futur de nos deux personnages principaux ? Car si Julia embrasse cet homme noir devant tous les habitants de la base lunaire, ces derniers peuvent ne pas comprendre, car ils ne savent pas ce qu’elle a découvert….

Non ils ne le savent pas…

 

Seront-ils toujours ensemble ?

Hahahaha, je ne dirais rien ! J’ai une idée à ce sujet mais je ne dirais rien !

 

A quelle étape en êtes-vous ? Ecriture, recherche de fonds ?

Nous en sommes toujours à l’écriture, je veux pouvoir avoir une histoire avant de passer à la suite.

 

Aujourd’hui, Iron Sky sort chez nous en DVD, au cinéma dans d’autres pays, mais avant cela, il a fait la tournée de nombreux festivals, à Paris, mais aussi à Toronto, à Bruxelles, où il a remporté un prix. Quel a été l’accueil du public pour votre film durant cette période ?

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Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?

Mon prochain film sera un film mêlant action et science fiction, c’est un plus gros budget, une production américaine, qui s’appelle Jeremiah Harm. J’aime en parler comme d’un « Clint Eastwood dans l’espace », c’est un film de science fiction, mais de type western, avec beaucoup d’action, et un scénario assez malin. Je dois commencer le tournage un peu plus tard dans l’année, donc cela devrait sortir l’an prochain. C’est ce sur quoi je travaille en ce moment.

Je dois également tourner un segment pour le film Paris I Kill You, qui regroupe plusieurs réalisateurs qui doivent chacun réaliser un segment d’horreur de 10 minutes environ se déroulant à Paris. Et avec un peu de chance je dois revenir pour tourner cette scène bientôt.

 

L’idée de terrifier Paris vous séduit ?

Absolument ! Je suis allé en repérage hier et j’ai vu cet endroit, près de la Seine, qui est utilisée dans de nombreux films. J’ai écris une scène qui nécessite de tourner la bas, et je retourne bientôt à Berlin pour convaincre les producteurs de le faire. Mais ce sera un bon voyage. Je vais emmener Julia avec moi pour qu’elle leur fasse les gros yeux et leur dise que je dois absolument tourner ça à Paris, que ça ne fonctionnerait pas en studio !

Enfin, je travaille aussi sur un projet appelé « J’ai tué Adolf Hitler », une histoire de voyage dans le temps. L’histoire de deux tueurs à gage envoyés en Allemagne dans le passé pour tuer Hitler avant qu’il ne devienne le Führer, et faire en sorte que la seconde guerre mondiale n’arrive jamais. Mais ils échouent, et Hitler s’échappe en utilisant la machine à remonter le temps pour rejoindre le futur… C’est un script fantastique !

 

Petite question stupide : vous pensez que quelque chose se cache vraiment sur la lune et menace de nous envahir ?

Pas sur la lune non. Mais je pense qu’il y a quelque chose de caché sur la lune.

 

Quelque chose de caché, doit-on avoir peur ?

Je ne pense pas, peut être que c’est juste un truc que quelqu’un a laissé dessus. On trouvera quelque chose qui ne serait même pas supposé être sur la lune !

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Interview réalisée par JonFenn et El Nioco.
Merci à Timo Vuorensola de nous avoir accordé un peu de son temps, ainsi qu’à l’agence Dark Star pour avoir rendu cette rencontre possible.

Iron Sky est sorti en DVD et Blu-Ray le 18 février, en voici notre test !

BONUS !

Timo vous montre sa METAL FAAAACE !

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