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Cinéma

[Critique Contre] Sucker Punch, le grand couloir vide de Zack Snyder

L'affiche de Sucker Punch
L’affiche de Sucker Punch

Attendu comme le messie depuis plus d’an an et teasé depuis des mois par la Warner sous la forme d’une campagne marketing savamment geekisée, Sucker Punch est probablement l’un des films que j’ai le plus surveillé de ces 10 dernières années. Difficile pour moi d’imaginer qu’une telle déception m’attendait au tournant : c’est la critique CONTRE le film !

Sucker Punch, c’est l’histoire d’une jeune femme qui, pour échapper à son perfide beau-père après la mort tragique de sa maman, va accidentellement tuer sa petite sœur – c’est déjà compliqué, hein. Le Beau-père va alors en profiter pour se débarrasser de sa belle-fille en l’envoyant croupir dans un asile, où il soudoie un garde pour qu’elle soit rapidement lobotomisée. Pour échapper à cette atroce réalité, la jeune femme va s’enfermer dans un monde imaginaire où elle est Babydoll, danseuse et guerrière, bien décidée à s’échapper de l’enfer en compagnie d’un quatuor de pensionnaires.

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C’est à peu près là que le drame commence : la scène d’intro du film, d’ailleurs proposée par Warner sur Internet, est d’une totale réussite en matière de mise en scène, de choix musical et de rythme. Si bien qu’on se demande, lors des 5 premières minutes, ce qui peut clocher dans ce film très largement décrié depuis sa sortie. La réponse arrive moins de 10 minutes plus tard, lorsque l’ersatz d’Inception se met en marche : à partir de là il n’est plus question de réalité, mais bien d’un rêve éveillé visité par une Babydoll qui s’imagine dans un cabaret-maison close, entourée de jeunes femmes entraînées à danser pour attirer le client.

Un concept qui, s’il permet d’introduire une séduisante galerie d’héroïnes aussi sexy que psychologiquement creuses – à l’exception d’une ou deux – enlève par contre toute opposition entre le rêve coloré du cabaret et la réalité glauquissime de l’asile. Car à cela, il faut ajouter un autre niveau de rêve, celui dans lequel Babydoll entre avec ses copines quand elle danse et subjugue l’assemblée. Sa transe se transforme alors en un champ de bataille différent à chaque fois, historiquement trouble mais toujours orné de créatures étranges et fantastiques – nazis steampunk, samurais géants, robots, dragons. On en reviendra toujours à comparer le cabaret au champ de bataille, éclipsant l’hôpital psychiatrique, pourtant théâtre du pire. Ce dernier, même s’il est présent de manière latente (dans la cuisine par exemple) aurait mérité de l’être plus, pour contraster davantage l’ensemble. Ce qui aurait bien évidemment enlevé pas mal de glamour…

C’est sûr que le rêve du cabaret-bar à putes, ça évite de balader ses héroïnes en camisole de force…

Chaque épreuve permettant de récupérer un objet pour s’enfuir de l’asile-cabaret se transforme donc en un combat dont l’enjeu est le même que le précédent : bref, une linéarité fini vite par s’installer, donnant l’impression au film de n’être qu’une succession de scènes similaires, chorégraphiées au millimètre, avec les mêmes plans au ralenti que Zack Snyder nous ressert depuis 300. Certes, il y a bien des moments où Babydoll et ses copines se retrouvent en danger mais dans la mesure où, à de rares exceptions près, on ne sait rien d’elles, difficile de s’émouvoir de ce qu’il leur arrive.

Où sont les femmes ?

Car, oui, si le film pêche en particulier sur un point, c’est sur celui de ne donner aucune chance à ses personnages féminins – et donc à ses actrices – de s’imposer alors qu’elles sont au cœur de l’intrigue. Babydoll, présentée comme une jeune femme de 20 ans, en parait 15 avec sa marinière et ses couettes blondes, ce qui donne d’ailleurs une belle impression de malaise quand elle danse devant les clients du cabaret – genre malsain, le malaise. Le reste de la bande écume la galerie de clichés, de l’asiatique à la latino en passant par le duo de sœurs blondes cheveux longs – cheveux courts. Ces dernières ne sont cependant pas les plus à plaindre, car elles sont les seules, avec Babydoll, à avoir une histoire un minimum dévoilée – ce qui me permet de déduire que Zack Snyder aime les blondes. Ça c’est fait ! On se demande aussi, au passage, pourquoi ces demoiselles visiblement saines d’esprit sont toutes enfermées dans un hôpital psychiatrique. Mais là, clairement, on dépasse totalement le niveau de réflexion que peut supporter le film.

Sweet Pea et Rocket, les deux seules héroïnes à bénéficier d’un background un minimum fouillé.

La seule chose que l’on ne peut pas remettre en question dans le film, c’est sa dimension esthétique et l’univers qu’il parvient à mettre en place. Les effets spéciaux sont époustouflants, même si l’aspect « écran vert » est impossible à se sortir de l’esprit pendant les scènes de combat. Pour le reste, Snyder a tout piqué à droite et à gauche dans l’optique d’en faire un melting-pot geek qui flatte la rétine et qui permettra sans doute à beaucoup de passer un bon moment, à condition d’utiliser ses yeux seulement et jamais son cerveau, au risque de se rendre compte qu’on est en train de les prendre pour des cons.

Un jeu vidéo (raté) sur grand écran

Faisons le résumé : un scénario linéaire de collecte d’objets, des personnages globalement insignifiants, de belles images : Sucker Punch possède tous les ingrédients du jeu d’action-aventure sexy et insipide qu’on pourrait nous servir aujourd’hui sur les consoles new-gen. A bien y réfléchir, ce film m’a donné la même impression que Final Fantasy XIII, longtemps fantasmé, très peu joué. Merde alors, Sucker Punch, c’est le FFXIII de Zack Snyder ! Quelle révélation, quel choc.

Chaos et destruction règnent dans les rêves de Babydoll : ça sera aussi le cas dans votre tête en sortant de la séance.

Je crois que le plus frustrant avec ce film, c’est que son réalisateur et, pour le coup, scénariste –à qui l’on doit le remake de Dawn of the Dead et les adaptations de 300, Watchmen et Ga’Hool, que des œuvres écrites par d’autres, en somme – avait tous les ingrédients pour en faire un film qui aurait satisfait tout le monde : un esthétisme jouissif, de l’action punchy, une histoire plutôt futée, une pléthore d’héroïnes sexy qui auraient pu – je dis bien « auraient pu » – œuvrer pour une cause résolument féministe… Mais au final, tout ce qui aurait pu en faire un grand film, peut-être même le film le plus geeky de sa génération, n’est qu’effleuré. Zack Snyder ne va au bout d’aucun message, et le minimum qu’il effleure à certains moments se retrouve noyé dans des déluges d’effets visuels.

Game over

Sucker Punch, plus que la chronique d’un échec annoncé, c’est surtout le triste constat d’un film pas fini, au sujet effleuré malgré son incroyable potentiel, et aux héroïnes globalement reléguées au rang de potiches armées de mitraillettes. Un film qui s’est perdu en route, passant trop rapidement d’un concept intelligent à « y a que le physique qui compte », pilule qui aurait pu passer chez d’autres réalisateurs, mais qui s’avère difficile à avaler chez Snyder. Zack, réveille-toi !

Tags : Sucker PunchWarner BrosZack Snyder
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !

2 commentaires

  1. « A bien y réfléchir, ce film m’a donné la même impression que Final Fantasy XIII, longtemps fantasmé, très peu joué. Merde alors, Sucker Punch, c’est le FFXIII de Zack Snyder ! Quelle révélation, quel choc. »

    -> C’est étrange, je me suis fait exactement la même réflexion sur la scène du train, le début de celle-ci ressemblant bizarrement à celle du début d’FFXIII ^^

  2. Ahah, c’est marrant parce que tous les gens avec qui je discute de ce film et qui ont joué à FFXIII évoquent en effet la scène du train de Sucker Punch comme étant une resucée du jeu. Du coup forcément si t’as pas aimé FFXIII je crois que ça renforce un peu plus la déception que peut être ce film.

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