Sorti directement en DVD dans nos contrées, Don’t be afraid of the dark avait eu les honneurs d’une séance de clôture lors de l’Etrange Festival de Paris 2011 : Guillermo Del Toro au scénario et à la production, quelques acteurs solides au casting (Guy Pearce), et la thématique d’une peur enfantine répandue. Peut être pas le film le plus attendu, mais c’était suffisant pour piquer notre curiosité.
Sally, petite fille réservée, s’en va vivre avec son père et sa nouvelle compagne dans une ancienne bâtisse que le couple doit rénover. S’adaptant mal à cette nouvelle vie, délaissée par un père trop occupé, Sally ne tarde pas à découvrir que d’étranges créatures vivent dans le sous sol de sa maison…
Adapté du téléfilm fantastique de 1973, Les créatures de l’ombre, réalisé par John Newland, Don’t be afraid of the dark est le premier long métrage de Troy Nixey, connu pour ses travaux d’illustrateurs de nouvelles graphiques (il a notamment travaillé avec Neil Gailman pour Only the end of the world again). A l’initiative du projet, Guillermo Del Toro aurait été à ce point marqué par ce téléfilm dans sa jeunesse qu’il décidera d’en écrire et produire une nouvelle version.
Le tableau était donc prometteur : si ces dernières années, le réalisateur Mexicain s’était essentiellement tourné vers la production pour se consacrer à ses futurs projets (Pacific Rim, The Hobbit, miam), l’idée de voir Del Toro aborder à nouveau le monde de l’enfance, à minima en scénariste, avait de quoi faire frémir de plaisir (le merveilleux Labyrinthe de Pan). Enfin, bien que producteur, le Mexicain a déjà fait preuve de flair lorsqu’il s’agit de parrainer un jeune cinéaste, comme ce fut le cas avec Juan Antonio Bayona et son magnifique L’orphelinat.
Don’t be afraid. Tout court.
Sans chercher la révolution du cinéma fantastique, les ingrédients semblent donc réunis pour passer au moins un bon moment de cinéma fantastique. Hélas…
Car c’est la que le bât blesse… Tout dans le film semble étrangement… sans surprises. A aucun moment la peur promise n’est réellement au rendez-vous. L’intrigue laissait envisager un déroulement classique, et c’est exactement ce que l’on a. Alors que les films similaires sont légions, le sentiment de déjà-vu s’impose rapidement, et un quart d’heure de vision suffit à deviner comment vont évoluer les rapports entre Sally, sa belle-mère, et son père. Et que dire d’un final que l’on voit arriver longtemps à l’avance, d’autant que les obstacles rencontrés s’effacent avec une facilité parfois déconcertante : ainsi, il suffit de 5 minutes à la bibliothèque publique pour que tous les mystères que recèle la maison soient dévoilés, le bibliothécaire étant évidemment passionné par cette histoire…
Parlons des personnages justement. Au niveau des rôles adultes, rien de catastrophique certes, les acteurs sont même plutôt bons, justes dans leur rôle. Mais les interprètes pourraient tout à fait être échangés par d’autres acteurs, un résultat similaire serait tout à fait envisageable. Idem concernant Bailee Madison, qui interprète la jeune Sally : à aucun moment une réelle empathie ou attachement ne se crée pour son personnage. Problématique quand l’acte final du film est justement basé sur la force des sentiments qui se sont noués entre elle et certains protagonistes. Or, le film étant relativement court (1h30 environ), l’évolution de leurs relations ne peut être poussée autant que nécessaire pour faire surgir un petit plus d’émotion bienvenue. Ici, seules les grandes étapes du rapprochement sont décrites.
A aucun moment le film ne parvient donc à dépasser le classicisme et la linéarité de son scénario, et limite ainsi fortement la portée des moments sensés nous faire frissonner. Aucune touche personnelle, venue de Nixey ou de Del Toro, ne semble donc réellement émailler le récit pour le faire sortir du lot.
Quand Gollum rencontre Sally
Pour autant, ne nous y trompons pas, Don’t be afraid of the dark ne saurait être qualifié de mauvais film. L’image de Nixey est belle, mettant en valeur de superbes décors, et la lumière soignée donne au film un jeu de contraste entre clarté et obscurité intéressant. Filmée sous tous les angles, la réalisation confère à la maison une dimension à la fois de familiarité et d’inconnu. Cantonnée à quelques pièces au début, l’espace s’élargit pour que cet univers familier se transforme peu à peu en véritable labyrinthe. Un labyrinthe dans lequel Sally s’enfonce au fur et à mesure que les attaques des créatures se font de plus en plus féroces.
Le film est également émaillé de quelques bonnes idées, notamment en réinventant la légende de la petite souris et la dent de lait placée sous l’oreiller (ah, les dents… on en mangerait :D). Combien avons-nous été, enfants, biberonnés à cette idée, qui ici devient cauchemardesque tant les créatures semble attachées à ce met… délicat.
Mêmesi elles ne sont pas des plus originales, les scènes les plus fulgurantes s’avèrent bien conçues et regorgent de belles symboliques : c’est dans la salle de bain, et dans la bibliothèque que Sally subira les plus redoutables assauts de ses assaillants.. Soit dans le lieu de l’intimité, et donc la où elle est le plus vulnérable, et dans un temple de savoir et de rationalité (en opposition à des créatures fantastiques dont beaucoup nient l’existence).
Dommage cependant qu’un soin plus particulier n’ait été apportées aux créatures, qui ressemblent à des cousins nains éloignés de Gollum, et sont par ailleurs dévoilées relativement tôt dans le récit.
Filmé à hauteur d’enfant (le réalisateur se place très clairement du point de vue de Sally : en sa présence, les adultes sont ainsi filmés à hauteur de taille), restant toujours timoré dans la violence ou la terreur (une seule scène relativement saignante), s’agirait-il donc d’un film fantastique orienté vers un public plus jeune ? Mais même dans ce cas, cela suffit-il à en faire un film de premier choix pour (re)découvrir le fantastique ?
Bien que de bonne facture, difficile de ne pas attendre quelque chose « de plus » d’un film où le nom de Del Toro est ainsi mis en avant, surtout quand on sait ce dont le sieur est capable lorsqu’il s’agit d’enfance ou de parrainer un jeune cinéaste. Sans être foncièrement mauvais, mais sans réelle personnalité, Don’t be afraid of the dark laisse un sentiment de déjà vu. Un divertissement honnête, bien fait, mais trop classique pour vraiment retenir l’attention. Dommage…
Arf… Bon, le film m’intéressait mais là, ça jette un froid. XD Je le verrai quand même (je pourrai tout de même profiter de la belle image :D) mais au moins, je ne serai pas déçu. Merci pour cette critique.^^