Après un an au service du relaunch de Detective Comics chez DC, le dessinateur et scénariste Tony S. Daniel a récemment annoncé que son travail sur le titre se terminerait en septembre prochain avec le #0 des aventures de Batman. Notre rencontre avec ce grand monsieur du comic book à l’occasion du Comic Con Paris a été l’occasion de dresser le bilan de son travail sur la série, mais également d’aborder quelques autres mystérieux sujets. Entretien avec un auteur un peu fâché avec les deadlines !
Bonjour Tony ! En septembre prochain, l’aventure Detective Comics se terminera pour vous. Quel bilan en dressez-vous aujourd’hui ?
Ca aura été une fabuleuse expérience. Mon précédent travail sur Batman mettait Dick Grayson (l’un des Robin, mais également Nightwing, NDLR) dans le rôle de la chauve-souris (dans Batman: Eye of the Beholder, NDLR). C’était une toute autre approche, plus cérébrale, moins « violente » que ce que j’aime faire d’habitude. Quand j’ai eu la chance d’aborder le personnage de Bruce Wayne dans Detective Comics, j’ai tout de suite su ce que je voulais faire : des histoires courtes mais brutales, dynamiques, avec beaucoup d’action… j’aime beaucoup ce genre de personnage, robuste, sévère. Pour moi, Bruce Wayne, et donc Batman, symbolise tout ça.
Par conséquent, j’ai vraiment été très heureux d’avoir l’opportunité de raconter ce genre d’histoires… parce que j’avais déjà eu la possibilité de raconter l’histoire de Batman, mais jamais de Bruce Wayne, ça a donc été ma chance d’aborder ce personnage dans l’écriture des scénarios, mais également dans le dessin ! J’ai vraiment aimé l’expérience, pouvoir travailler sur l’un de mes personnages préférés. Maintenant, ça a également été éprouvant, parce que ça a représenté énormément de travail et je l’ai ressenti sur ma vie sociale. Ça a été compliqué de garder mon équilibre durant cette dernière année, car quand vous écrivez et dessinez en même temps sur une seule série, c’est très compliqué de tenir les dates de rendu des travaux.
Ça doit effectivement représenter une grosse pression…
C’est énormément de pression, oui. Et c’est compliqué quand vous vous rendez compte que vous n’aurez jamais assez de temps pour faire ce que vous vouliez faire au niveau du dessin, et que vous débordez un peu plus au fil des mois, même si vous donnez votre maximum… Mais bon, ça aura tout de même été une fantastique expérience pour moi.
Et en quoi le fait d’écrire et de dessiner en même temps sur une série influence votre manière de travailler ?
Etre un dessinateur m’aide énormément à visualiser les choses lorsque j’écris. Ce n’est pas toujours facile de retranscrire à l’écrit ce que j’ai à l’esprit, mais je pense que ça m’aide énormément. Je pense vraiment qu’être à la fois un dessinateur et un scénariste me donne une approche différente de ce travail, que si j’étais seulement un scénariste écrivant à destination d’un autre dessinateur.
Concernant les arcs scénaristiques de Detective Comics… ils sont plutôt courts. C’est une démarche qui vous est propre, ou bien c’était une requête de DC ?
Je pense que c’était un peu des deux. Je voulais des histoires plutôt courtes, pour contraster avec ce que fait Scott Snyder sur sa propre série Batman, et pour laquelle il met en scène des arcs qui sont très longs (La Cour des Hiboux, disponible chez Urban Comics, NDLR). Donc je voulais vraiment que les deux séries soient séparées, ce qui est le cas au niveau de l’approche scénaristique. J’avais pas mal d’idées de scénario avec pas mal de personnages, mais j’ai voulu rester dans la perspective d’arcs courts… mais je pense que je préfère travailler sur des histoires relativement courtes, qui tiennent sur 4 ou 5 numéros. A ce titre, je pense que l’histoire du Dollmarker (le premier arc du relaunch, NDLR) est ma meilleure histoire sur Detective, parce qu’elle tient en 4 numéros de façon efficace.
Pour le moment, il n’est pas prévu que j’écrive mon prochain projet, mais si je me retrouve encore une fois à écrire mais aussi à dessiner sur un même projet, je pense que je garderais le même genre de calibrage. Pour écrire une bonne histoire qui tient la route, il faut au moins 3 ou 4 numéros.
L’histoire du Dollmaker est donc votre histoire préférée ?
Oui ! Le Joker est dedans et j’ai eu l’occasion d’écrire quelque chose de totalement fou, c’était très marrant et pour celle-là, je n’ai pas eu de souci de deadline ! (rires) Après, ça a commencé à se compliquer, car j’écrivais en même temps le scénario de The Savage Hawkman, et ça m’occupait pas mal en freinant mon travail sur Detective, alors je devais vite en finir avec Hawkman… j’étais tellement en retard ! Donc je pense que si l’histoire du Dollmaker est bien, c’est parce que c’est l’une des seules qui a vraiment eu toute mon attention.
En tant que dessinateur et scénariste, j’ai appris énormément de mes erreurs. J’ai notamment pris conscience qu’il ne fallait pas en faire trop : quand DC m’a proposé Hawkman, j’étais vraiment content et j’en avait vraiment envie, donc j’ai accepté en me disant que je pouvais le faire en parallèle de Detective Comics. Au final, il s’est avéré que c’était vraiment trop de travail d’écrire sur deux séries tout en dessinant l’une des deux en plus.
Ca n’a pas été frustrant pour vous de devoir choisir entre ces deux séries ?
Pas vraiment. Je ne voulais pas lâcher Detective Comics, tout simplement parce que je ne dessinais pas Hawkman. Je voulais vraiment rester sur Detective… mon but depuis le début a toujours été de travailler sur la série durant un an. Au final, je reviens pour le #0, j’aurais même fait un peu plus. Je suis un peu triste de partir, mais avec les problèmes de délais à tenir, je n’aurais sans doute pas pu continuer à la fois d’écrire et de dessiner. J’aurais peut-être pu continuer d’écrire, mais écrire pour un autre dessinateur aurait été un peu bizarre. Donc maintenant, je pense qu’il est temps pour moi de partir vers d’autres aventures où j’aurais des délais un peu plus longs. Mon prochain projet démarre en février prochain, d’ailleurs.
Et est-ce qu’on peut en savoir un peu plus sur ce nouveau projet ?
Je ne peux pas vous dire ce qu’il en est précisément pour le moment, par contre, je peux vous dire que je travaille sur deux numéros de Justice League, les #13 et #14, avec Geoff Johns. Après ça, je vais commencer à travailler sur mon nouveau projet qui est pour le moment secret.
Toujours chez DC ?
Absolument ! Je suis encore engagé deux ans chez DC donc oui, mon nouveau projet sera bel et bien chez eux. J’aimerais bien en dire plus, mais je ne peux pas (rires).
Est-ce qu’on doit s’attendre à quelque chose de particulier pour votre dernière collaboration sur Detective Comics, en septembre, donc ?
Mon dernier numéro est donc le #0 de septembre que je n’ai, en fait, pas écrit. Gregg Hurwitz prend le relais sur le scénario a partir de ce numéro. Pour moi, l’essentiel était de prendre plaisir à dessiner cet ultime numéro sans avoir à me soucier de la deadline et du scénario.
Ça n’est pas trop bizarre de conclure cette aventure avec un numéro 0 ?
Si, c’est bizarre ! (rires) Mais DC voulait vraiment que je fasse ce #0 et je ne me voyais vraiment pas refuser ! (rires) Mais l’avantage avec un numéro 0, c’est que vous ne savez pas trop si c’est un début ou une fin, donc… c’est une manière un peu ambiguë d’en finir et d’aller de l’avant… mais ça veut peut-être aussi dire qu’à l’avenir, je reviendrai… peut-être pas sur Detective Comics, mais j’anticipe vraiment de retravailler un jour sur Batman. Je n’en ai pas terminé avec lui.
Merci Tony !
Propos recueillis et traduits par Audrey.
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