Après une seconde saison qualifiée à l’unanimité de catatonique, la troisième saison de The Walking Dead a entrepris de s’attaquer à l’une des phases les plus cultes du comics : celle de la prison et, en toute logique, de l’arrivée du Gouverneur de la « ville » de Woodbury. De quoi redorer potentiellement le blason d’un show qui ne rend pas vraiment hommage au matériau d’origine, mais qui a également de quoi faire frissonner les fans de l’oeuvre originale, déjà fortement malmenée. Quelques jours après la diffusion du season finale sur la chaîne américaine AMC, force est de constater que les choses ne s’arrangent guère… les spoilers de cette review ont été masqués.
Rafraîchissons-nous la mémoire : à la fin de la saison 2, la confrontation entre Rick et Shane débouche sur l’arrivée massive de zombies dans les environs de la ferme d’Hershel. Acculés et débordés, les survivants s’en tirent difficilement et sont séparés d’Andrea, que le groupe croit morte : en réalité, cette dernière est sauvée in extremis de la morsure par Michonne, l’un des personnages favoris des lecteurs du comics qui fait une entrée très badass et laisse penser que le meilleur est à venir. L’espoir fait vivre.
La troisième saison commence plusieurs semaines après ces évènements, alors que le groupe erre à la recherche de nourriture et d’un abri sûr, notamment à l’approche de l’accouchement de Lori, enceinte jusqu’aux yeux. L’errance prend fin à la découverte d’une prison vraisemblablement abandonnée qui, si elle n’est pas particulièrement feng shui compliant, a au moins le mérite d’être plutôt bien protégée des attaques extérieures… Pendant ce temps-là, Michonne et Andrea, qui se traîne une fièvre de cheval, découvrent elles aussi un territoire habitable : Woodbury, ville de Georgie (car oui, en trois saisons, personne n’a quitté cet Etat) fortifiée et gérée par un « Gouverneur » auto-proclamé. Une petite bourgade parfaite où une communauté, contrairement au groupe de Rick, a l’air de vivre et non pas de survivre. Mais comme toujours, les apparences ne sont pas ce qu’elles sont et si Michonne comprend très vite que quelque chose cloche dans cette bulle parfaite, Andrea, elle, va y voir une bonne raison de baisser sa garde. Et c’est là que les ennuis commencent.
Éloge de la naïveté
Si cet « phase » de l’histoire est bien présente dans le comics, on note, comme d’habitude, de très fortes différences : dans la bande dessinée, ce sont Michonne et Rick qui se retrouvent à Woodbury, et l’accueil est particulièrement différent. Du côté de la prison, les choses se passent plus ou moins de la même façon, tout du moins au début. Dans tous les cas, on comprend très rapidement que ce n’est pas encore avec cette saison que la série télévisée se rapprochera de la gravité et de l’ingéniosité scénaristique du comics, qui parvient à créer la surprise et traumatiser le lecteur au simple détour d’une page. Mais ça, on le sait depuis un moment, et ce n’est plus vraiment le problème de la série, qui suit une sorte de chemin parallèle en semant des « et si… » qui changent la donne. De toute évidence, le chemin pris par cette saison semble être « Et si Andrea se comportait encore un peu plus comme une stupide greluche qui ne pense qu’à son popotin ?« .
Clairement, les choix d’Andrea sont sans doute les moins compréhensibles de cette saison, sa première décision étant tout de même de dire « merde » à la nana qui lui a permis de survivre durant l’hiver, en lui sauvant la vie et en lui trouvant des médicaments. Clairement, Michonne – l’un des rares personnages à sauver de cette série – n’apparaît pas comme étant le genre de personne à faire des cadeaux. Véritable héroïne dans le comics, Andrea, qui y incarne toute la force et la tristesse de la survie, se transforme ici en personnage dont la naïveté n’a de pair que l’égoïsme dont il fait preuve. Si on peut imaginer que voir sa soeur mourir et zigouiller des zombies à la chaîne peut changer une personne, on se dit que la bêtise la plus basique n’a pas vraiment sa place dans le package du survivant. Merci Andrea de nous prouver le contraire.
Mais en somme, Andrea ne fait que répeter un schéma déjà vécu par le personnage, durant la saison 2 : la relation entre elle et le Gouverneur fait sensiblement écho à celle vécue avec Shane, qui n’était pas tout net non plus. Rien que ce détail permet d’avoir une vague idée de la manière dont tout ça va partir en sucette… au cas où vous n’auriez pas vu tous les autres signes avant-coureur.
Des gens meurent… mais ça intéresse qui ?
Bon, pour des raisons évidentes, on ne fera pas le décompte de tous les morts de la saison. On se contentera juste de dire que oui, il y en a, pas mal même. Certaines morts sont justifiées, voire attendues, d’autres sont surprenantes. Certains personnages qu’on pensait condamnés survivent, même si on se demande parfois pourquoi. Mais une constante subsiste dans tous les cas de figure : on en a finalement strictement rien à foutre.
Pire, même : on est parfois content quand l’un des personnages principaux casse sa pipe. Même si on sait que leur mort aura des conséquences pour la suite – ou pas du tout, d’ailleurs, à vrai dire – on se réjouit en vérité de savoir qu’on n’aura plus à les supporter à l’écran. Au début, on en viendrait presque à culpabiliser… mais une petite recherche sur Internet permet de découvrir qu’en fait, l’appréciation est quasi-générale, et c’est là qu’on se dit que les scénaristes se sont bien foirés sur ce coup-là. Et quand bien même la mort de l’un des personnages entraîne des spéculations et des théories, l’équipe de production arrive à la rescousse pour confirmer que les indices laissés malgré eux ne sont, en fait, qu’une sorte d’incohérence. En témoigne l’exemple ci-dessous, masqué car contenant des spoilers.
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Lorsque Lori meurt en accouchant, Carl se désigne pour mettre une balle dans la tête de sa mère, de manière à ce qu’elle ne se transforme pas. La scène se déroule hors-champ, et le spectateur ne fait qu’entendre un coup de feu. après l’épisode, certains spectateurs ont alors spéculé sur le fait que Lori n’était peut-être pas morte… une théorie potentiellement renforcée avec une scène qui apparaît dans l’épisode suivant, dans laquelle Rick, à la recherche du corps de sa femme, ne le trouve pas : à la place, il découvre un zombie, le ventre bien rebondit, qui laisse supposer qu’il a dévoré le corps de Lori. Et bim, c’est reparti pour les spéculations ! Finalement, il a fallu que Greg Nicotero, le réalisateur de l’épisode, confirme lui-même que le zombie avait bien boulotté Lori pour que tout le monde se mette d’accord.
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Le fait que la disparition d’une poignée de personnages, dont certains présents depuis les premiers épisodes, peine à émouvoir une partie du public, permet de pointer l’un des problèmes les plus flagrants du programme : le manque d’empathie que l’on ressent pour les protagonistes. La raison à cela ? Difficile d’en donner une qui sied à 100% à la situation, mais l’une des pistes à explorer pourrait être leur nombre conséquent : si, dans une bande dessinée, on peut multiplier les apartés voire consacrer un chapitre entier à un personnage – chose en vérité assez rare dans le comics – c’est une situation compliquée lorsque le nombre de protagonistes à suivre dépasse le nombre d’épisode de la saison ! Soyons cependant honnête : certains personnages ont leur « moment » dans cette saison : Daryl, Michonne, Carl… ainsi qu’Andrea qui se révèle – et réveille – cependant bien trop tard pour qu’on puisse lui pardonner son authentique stupidité.
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Comment expliquer que le groupe de la prison laisse le commandement à Rick quand celui-ci pète complètement un câble ? Certes, le type vit une situation vraiment catastrophique, mais il tue des gens à bout portant, entend des voix, voit même des « fantômes », court tout seul dans les bois avec l’air complètement fou, et personne ne décide à aucun moment qu’il n’est peut-être plus vraiment apte à être le leader d’un groupe qui compte des enfants. Non, tout le monde préfère le laisser se balader avec un gros flingue à la ceinture et papoter avec sa femme qui, bien que morte, ne peut pas s’empêcher de faire chier son monde.
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Si tout n’est pas à jeter, la balance entre les instants où on peut s’approprier les personnages et les autres où on est trop occupé à essayer de comprendre leur logique pour les apprécier reste bien trop déséquilibrée.
Guerre froide
Et ça tombe bien que la saison nous donne du grain à moudre en matière de réflexion autour des actions des personnages, parce qu’il n’y a à peu près rien d’autre qui puisse alimenter les débats. Si la quasi-totalité des épisodes met en scène l’opposition entre les habitants de la prison et ceux de Woodbury – dont on se contrefout, en vérité, à l’exception de l’entourage du Gouverneur – il faut attendre les trois quarts de la saison avant qu’un plan d’action se mette en place, et ce malgré des provocations qui appelleraient pourtant une réaction immédiate du camp adverse.
On a vraiment l’impression que les scénaristes « jouent la montre » faute de mieux – ou de moyens ? – pour mener la saison vers une conclusion que l’on qualifiera, pour ne pas trop en dire, de terriblement frustrante. C’est là que The Walking Dead essuie un nouvel échec : jusque-là, la série avait au moins pour elle d’offrir au minimum deux épisodes « puissants » : celui de mi-saison qui ouvre une pause de plusieurs mois dans la diffusion, et le season finale, capable de pousser le spectateur le plus perplexe – telle l’auteur de ces lignes – à patienter pour voir la saison d’après. Clairement, le final de la saison 3 n’atteint pas cet objectif : malgré certains enjeux développés dans les épisodes précédents, malgré les espoirs d’une confrontation au sommet, on se retrouve face à un épisode aussi plat que les précédents, malgré un véritable carnage dans les personnages – 27 morts avaient été annoncés, et si les compter tous n’a pas vraiment de sens, on en retiendra tout de même quelques uns de significatifs. Mais encore une fois, difficile de se sentir véritablement concerné face à des personnages à l’intérêt très minimisé ou incompréhensible.
Une saison sous prozac…
Bien évidemment, il y aura toujours des spectateurs qui jugeront ces critiques exagérées : certes, The Walking Dead a tout de même quelques qualités, dont les effets spéciaux toujours aussi réussis, et une mise en scène plutôt habile, capable de ménager quelques effets de surprise, voire de tension. Bref, la forme n’a pas à rougir… mais le fond, lui… ben il touche le fond.
Pour s’en convaincre, il suffit de faire un exercice simple, et se demander où se trouve le point culminant de la saison en matière de tension : en clair, où se trouve le ou les climax ? Si la réponse était assez évidente dans la saison 2, elle l’est bien moins dans cette troisième saison qui offre un spectacle en « dents de scie » où quelques minutes de bravoure sont compensées par des dizaines de minutes de vide intersidéral, comme si chaque coup de sabre de Michonne devait forcément être compensé par un quart d’heure du regard bovin de Rick. On oscille donc entre les instants de vague espoir que les choses bougent, et les longs moments quasi-contemplatifs où on se dit que les morts qui rodent autour de la prison vivent plus de choses que les vivants qui habitent dedans. Les morts qui marchent ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
… pour une série qui ne s’assume pas
On en vient au dernier point, qui transpire de tous les pores de la peau fripée de cette troisième saison : The Walking Dead est une série qui ne s’assume pas. Le problème n’est pas (ou n’est plus) que le show suit un cheminement vaguement « alternatif » au comics : le souci, c’est qu’il ne supporte pas le poids de l’oeuvre originale. Là où le comics de Kirkman et Adlard n’hésite pas à choquer, à sacrifier, à retourner la situation au détour d’une page et à l’afficher, comme une provocation, sur une page double, la série ne fait qu’effleurer ce potentiel de subversivité.
Alors oui, comme le comics, la série est gore, sanglante, violente. Mais elle n’est pas sans pitié. Pire : elle en arrive même à être gentillette. En témoigne le passage où des personnages de la prison sont retenus prisonniers à Woodbury : les lecteurs du comics savent ce qui se passe à ce moment là – sans entrer dans les détails, les évènements sont particulièrement choquants et malsains (si vous voulez vous SPOILER LE COMICS, c’est juste en dessous).
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Dans le comics, Rick, mordu par un rôdeur, se fait amputer le bras par le docteur de Woodbury…. tandis que Michonne, elle, se fait violer par le Gouverneur après l’avoir provoqué.
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Dans la série, il est évident que les scénaristes ont freiné des quatre fers pour ne pas atteindre un tel niveau de violence physique et psychologique. Certains trouveront normal qu’une série télé n’aille pas « aussi loin » mais d’autres diront que le public du programme est censé être suffisamment averti pour comprendre la pertinence d’une telle ficelle scénaristique – après tout, on découvre assez vite l’ambiance malsaine qui règne à Woodbury, et d’autres situations bien cra-cra sont exposées dans cette saison. Mais étrangement, pas celle-ci, et quelques autres passent également à la trappe, alors qu’elles font partie des plus sombres du comics.
Il en va de même, au final, avec le dernier épisode, terriblement loin de ce qu’on pouvait espérer : on a d’ailleurs presque le sentiment que la saison n’est pas terminée tant l’arc semble ne pas se clôturer, malgré, paradoxalement, un certain empressement à finir ce qui aurait pu être bouclé depuis des lustres. La série semble souffrir d’un trouble de la personnalité assez éloquent mais peut-on la blâmer sur ce point ? Quand on connait la valse des showrunners – celui de la saison 4 sera le troisième depuis le début du show ! – on comprend mieux pourquoi les saisons n’ont aucune cohérence structurelle entre elles.
Pour conclure, soyons franc : on n’attendait pas grand-chose de cette troisième saison de la série, après une seconde année très déséquilibrée. Néanmoins, l’épisode de la prison et l’arrivée de Michonne laissait présager un sursaut dans l’action. Si quelques moments réussis ont bel et bien été au rendez-vous, ils ne rattrapent pas l’absence d’enjeux et le vide creusé dans la psychologie des personnages, qui agacent plus qu’ils n’intéressent. L’arrivée de Scott M. Gimple à la tête du pool de scénaristes remettra peut-être les pendules à l’heure pour la saison 4, mais le chantier semble tellement conséquent qu’on voit mal comment la donne pourrait changer. Enfin, on est jamais à l’abri d’une bonne surprise…
Voici un article bien dur avec l’une des meilleures séries fantastiques du moment. Je trouve que le simple fait que cette série existe est déjà incroyable. Cette saisson 3 est tellement glauque qu’on peut se demander comment elle peut être diffusée, cela explique peut-être plus la défection des spectateurs que le manque de qualité scénaristique. Car je trouve les scénarios et notamment les dialogues très bien écris, et pour ces derniers bien plus fin que ceux du comics. Sans vouloir troller, j’ai découvert le comics après et j’ai été très déçu par les dialogues de celui-ci Ex: Carl tue Shane:
« -papa ca fait drôle, tuer un humain c’est pas comme un zombie.
– oui mon fils et il faut que ca reste comme ça »
Je caricature un peu, je l’ai lu il y a longtemps. Mais je trouve dur et injuste de casser systématiquement cette série en la comparant à un comics qui m’a semblé moins « adulte » dans ses dialogues.
La review massacre la saison 3. Je ne suis pas certain d’avoir la même envie à regarder la série qu’à la lire qui, au 1er tome, et déjà prometteur.
A voir … Mais visiblement, du côté des acteurs, on pourrait s’attendre également à quelque chose de plus spectaculaire. Surtout pour du The Walking Dead.
Le comics est à des années lumières de la série… commencer par lire la BD c’est l’assurance de ne pas supporter la façon dont les personnages sont (mal)traités à l’écran. Pour l’inverse, je ne saurais dire puisque ce n’est pas mon cas…