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Cinéma

[Critique] Evil Dead : le remake de Fede Alvarez

Et si on vous disait qu’il est encore possible de réaliser un remake de film d’horreur qui ne serait ni un plagiat pur et simple, ni une complète trahison de l’œuvre originale ? Vous avez du mal à nous croire, et au vu de ce qu’on a pu subir ces dernières années, on vous comprend… Et pourtant, le jeune Uruguayen Fede Alvarez a relevé le défi avec brio avec son remake du film culte de Sam Raimi, Evil Dead.

Shiloh Fernandez;Lou Taylor Pucci;Jessica Lucas;Jane Levy

 

Et pourtant ça s’annonçait mal. L’idée de s’attaquer à un monument fondateur du cinéma d’horreur comme The Evil Dead de Sam Raimi a fait hurler les fans de la trilogie. Et pour cause. Un jeune réalisateur uruguayen totalement inconnu, Fede Alvarez, qui n’avait à son actif qu’un court-métrage de 4 minutes, Ataqué de Panico!, diffusé sur Youtube. Diablo Cody (responsable de Jennifer’s Body) comme co-scénariste (finalement éjectée plus tard, on ne s’en plaindra pas). « Leave The Evil Dead alone », avons-nous tous (ou presque) crié… Mais ça, c’était avant.

Avant de voir que l’équipe de la trilogie originale (Sam Raimi, Bruce Campbell et Robert Tapert) se chargeait de la production. Et surtout, avant de voir les quelques trailers sanglants et photos alléchantes. On a alors commencé à s’intéresser de près au projet, avant d’avoir carrément hâte de le voir.

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Et pourtant c’est par un prologue pas très prometteur et un peu vain que s’ouvre le remake d’Evil Dead. Une sombre histoire de possession et d’exorcisme raté dans le sous-sol de la fameuse cabane dans les bois, qui tente de planter un décor pas vraiment nécessaire. Cette scène d’ouverture pas franchement indispensable, et les quelques apparitions de la jeune fille possédée dans les scènes qui suivent nous font replonger dans les doutes et les réserves que nous avions depuis l’annonce du projet… Mais heureusement, malgré ce début un peu long à mettre en place, Evil Dead va balayer toutes nos appréhensions.

Un peu de sang neuf

Abandonnée, la sempiternelle histoire de la bande de jeunes qui va passer le week-end dans un chalet en forêt, bien mise à mal par des films récents comme La Cabane dans les Bois. Ici, nos cinq personnages se coupent de la ville pour aider Mia (Jane Levy) à se sevrer de son addiction à la drogue. Une alternative doublement intéressante car elle sème le doute au début du film : Mia est-elle vraiment possédée ou son comportement est-il uniquement dû au manque ?

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En plus de cette histoire modernisée, Alvarez évite aussi de l’écueil d’imposer au spectateur un ersatz du personnage d’Ash, joué par Bruce Campbell, qui portait le film (et la trillogie tout entière) sur ses épaules. Mia, incarnée par Jane Levy, est donc ici une bonne idée pour se démarquer de l’original et éviter les comparaisons forcément au désavantage du remake.

L’Uruguayen ajoute un petit background à ses personnages, afin de leur donner un peu de corps : une relation sœur/frère un peu compliquée, un frère absent, une soeur et des amis d’enfance qui lui en veulent, et pas mal de non-dits.. Le casting est plutôt honorable, avec notamment une Jane Levy et un Lou Taylor Pucci (Eric) assez remarquables aux côtés d’un Shiloh Fernandez (David) plutôt transparent.

Même si le personnage de Mia n’arrive pas à la hauteur de celui de Ash,  Fede Alvarez a travaillé sur l’iconisation de son personnage, qui pourrait revenir dans une saga à venir. En tout cas lors de l’avant-première parisienne au Grand Rex, le réalisateur a annoncé qu’il travaillait déjà sur l’écriture d’une suite…

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Un hommage à l’original

Même si l’histoire reste la même – un livre maudit est trouvé dans le sous-sol de la cabane et forcément, un des personnages va être assez curieux (ou idiot) pour en lire des passages à haute voix et réveiller le démon- le remake d’Evil Dead évite l’écueil d’une simple modernisation du film avec plus de moyens financiers et techniques.

On avance dans le film au gré des références et des échos aux films de Sam Raimi. Au début du film, Mia est assise sur une carcasse de voiture : il s’agit de celle d’Ash, abandonnée dans le premier film. Dans le livre des morts, un dessin rappelle l’affiche du premier Evil Dead (représentant une fille sortant de la terre le bras tendu vers le ciel). Un des personnages promet aux autres « You will be dead by dawn », « Dead by dawn » étant le sous-titre d’Evil Dead 2… Et j’en passe… Jusqu’au genial cameo final (restez jusqu’à la fin du générique) qui ravira les fans…

D’autres scènes font écho au premier Evil Dead et même à la trilogie. Les plans en caméra subjective dans les bois à la poursuite de Mia sont la marque de fabrique de Raimi dans sa trilogie. On retrouve aussi les arbres violeurs, et le combat dans l’eau à la cave rappelle celui dans le puits au début d’Army of Darkness. On sent une très forte influence de Sam Raimi, notamment dans l’utilisation des liquides et des fluides peu ragoutants (adeptes du vomi dans la bouche d’autrui et autres sécrétions, soyez les bienvenus !).

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Une véritable boucherie

Si l’histoire reste classique et n’évite pas quelques passages obligés, on assiste à une grosse montée crescendo dans le gore. Les scènes s’enchainent sans pour autant se répéter, les idées sont originales et assez inventives (la scène de la salle de bain est assez géniale dans le genre).

Pas de CGI pour ce remake : les effets spéciaux ont été réalisés à l’ancienne, et ça se voit. Combien de films sympathiques ont été ruinés par des effets spéciaux tout pourris et peu crédibles ? Evil Dead n’est pas de ceux-là. Le film d’Alvarez ne fait pas dans la dentelle et ravira les fans de bon gros gore qui tache. Des bras coupés, des clous plantés dans la peu, une mâchoire découpée… jusqu’à la pluie de sang finale, littéralement… Et le tout fait tellement vrai et scotche le spectateur à son siège.

Car si elle n’est pas vraiment terrifiante (malgré la promesse de ses affiches), la version d’Evil Dead d’Alvarez n’en reste pas moins très prenante et crée une forte tension qui va crescendo, au rythme des épreuves subies par les personnages. Le Nekronomicon a un look bien glauque et semble être fabriqué en peau humaine, et , nouvelle bonne idée, le livre interdit sert de teasing des atrocités à venir avec des dessins des supplices au fil des pages qui se tournent… La douleur des personnages est communicative et si le film ne fait pas vraiment peur, à l’exception de quelques jump scares, ce premier degré gore sans concession est finalement plutôt jouissif.
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Enfin, une photographie léchée, tant pour les scènes d’intérieur et d’extérieur, avec une très belle lumière et une bande-son plutôt angoissante, qui rappelle parfois celle de Drag Me To Hell de Sam Raimi, avec ses voix flippantes, complètent le tableau. Dernier clin d’oeil au film de Raimi : on distingue un mélange de voix, lorsque Mia est possédée et prévient ses amis qu’ils vont tous mourir, on entend l’enregistrement de la voix de Cheryl du premier opus…

 

Un remake réussi (c’est rare !)

Cet Evil Dead version 2013 est une modernisation réussie, avec les effets et le budget qui manquaient cruellement au premier (voire au deuxième Evil Dead) vu l’époque… Alvarez réussit à prouver qu’on peut encore faire de bons remakes, ce qui n’était pas vraiment arrivé depuis La Colline a des Yeux d’Alexandre Aja et L’Armée des Morts de Zack Snyder.

 

Jane Levy in TriStar Pictures' horror EVIL DEAD.

 

Même si on est loin de la terreur annoncée, Evil Dead marche dans les traces de son prédécesseur, avec beaucoup d’amour et de respect envers la trilogie de Sam Raimi et ses fans. Alvarez nous montre aussi qu’il est encore possible de prendre son pied et d’être surpris devant le remake d’un film dont on connait pourtant l’histoire sur le bout des doigts.

Au final, Fede Alvarez a fait des choix qui se sont avérés être les bons pour réaliser un remake réussi, qui trouve le juste équilibre entre trouvailles pour moderniser une trilogie Evil Dead qui a quand même un peu vieilli, tout en restant fidèle au matériau original, en lui rendant ainsi le meilleur des hommages.

 

Tags : Bruce CampbellEvil DeadFede Alvarezgoreremake
Marie

Gentle Geek Marie

POUET