Peggy Carter a le vent en poupe depuis Captain America : The First Avenger. Héroïne de son propre court métrage en 2013 à l’occasion de la sortie en DVD et Blu-Ray d’Iron Man 3, elle a désormais droit à sa « mini-série ».
Conçue pour combler la pause entre les deux moitiés de la seconde saison d’Agents of S.H.I.E.L.D, Agent Carter comporte huit épisodes.
Si on ne pouvait qu’être émoustillé à l’idée de voir Peggy vivre ses aventures (les années 40 ! Hayley Atwell ! Que demande le peuple ?), la demie catastrophe que représente une bonne partie de la première saison d’Agents of S.H.I.E.L.D a montré que Marvel pouvait faire du pas très bon à la télévision. De quoi attaquer la série avec circonspection.
Cette review ne spoile pas le contenu de la série, mais part du principe que vous êtes un peu au courant de ce qui se passe dans le Marvel Cinematic Universe, en particulier les événements de Captain America : The First Avenger.
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1946. Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la vie reprend peu à peu son cours normal, malgré les conséquences de la guerre.
C’est aussi le cas au sein de la SSR (Strategic Scientific Reserve), particulièrement pour l’agent Peggy Carter qui doit faire face à la perte de son aimé, mais aussi à une société pas franchement prête à traiter les femmes en égales des hommes.
Aussi, quand Howard Stark (Dominic Cooper), accusé de haute trahison, lui demande son aide, elle accepte (presque) sans hésiter, en souvenir du bon vieux temps.
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Les huit épisodes s’articulent autour de trois points : la frustration et la rage grandissantes de Carter envers ses collègues de travail (et la société en général) qui la relèguent au rôle de secrétaire parce qu’une femme ne peut pas être plus utile que ça (enfin si, elle peut faire le café en même temps, car elle est multifonction), son deuil de Steve Rogers, et, bien sûr, l’enquête visant à innocenter Stark.
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La scène d’ouverture (très chouette visuellement) donne d’ailleurs le ton : Peggy et son chapeau rouge, la démarche assurée, fendant la foule des anonymes aux costumes sombres, pour se heurter immédiatement au sexisme ambiant une fois arrivée au bureau… Ces quelques secondes hurlent littéralement : « vous m’avez prise pour une paire de seins juste bonne à répondre au téléphone ? VOUS ALLEZ VOIR ! »
Et oui, on va voir ! Car, clairement, l’intrigue d’espionnage et de contre-espionnage visant à innocenter Stark est surtout un prétexte pour développer Peggy Carter. « Développer » n’est peut-être pas le terme adéquat, mais après une guerre où elle a prouvé sa valeur, après avoir perdu un homme qu’elle respectait (en plus de l’aimer) et qui la respectait aussi, le retour au statu quo d’avant 1940 est rude (et pas que pour notre agent préférée du SSR) : Carter ne sait pas trop quelle est sa place, comment la gagner, comment se faire respecter, dans un jeu dont les dés sont de toutes façons pipés. Si on ajoute à ça le chagrin, on obtient Peggy la bombe à retardement, prête à tout pour prouver sa valeur. Et si cette rage est un moteur efficace, elle ne peut l’être sur le long terme : Carter doit trouver un autre mode de fonctionnement.
C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt de la série, plus que dans son intrigue principale.
En effet, la trame qui lie la saison est assez convenue, quoi qu’assez bien menée pour être efficace : un gentil est suspecté d’un crime odieux, tout le monde le croit coupable, sauf, bien sûr, sa vieille amie qui va tout faire pour prouver son innocence. S’ensuivent désamorçages de bombes, courses poursuites, savatages de vilains, « mon dieu X n’est pas ce qu’on croyait », et tutti quanti.
Rien de nouveau sous le soleil, mais en chemin, on rencontre des personnages tout à fait sympathiques, l’agent Carter en tête.
Le cheminement qui permet à Peggy de passer de la jeune femme rejetant toute forme de faiblesse, refusant toute aide, sautant à la gorge de tous les machos qu’elle croise (et en 1946, autant vous dire qu’il y en a un paquet), bref, de la presque teigne (mais comment lui en vouloir ? C’est une ADORABLE teigne), à une jeune femme en paix avec elle-même est assez touchant, et Hayley Atwell livre une interprétation de qualité.
Les personnages secondaires ne sont d’ailleurs pas en reste :
– Edwin Jarvis (James d’Arcy), le majordome d’Howard Stark, est délicieux. Délicieux dans son phrasé, son accent, ses maladresses, sa volonté d’aider Carter malgré elle… D’ailleurs, le duo Peggy/Edwin est un gros point fort de la série, à la fois drôle et touchant, avec des dialogues fantastiques. Et une amitié HOMME/FEMME SANS AMBIGUÏTÉ.
– Angie (pétillante Lyndsy Fonseca), la colocataire de Carter, apporte une touche de fraîcheur non négligeable, tout en aidant Peggy à s’ouvrir un peu aux autres.
– L’agent Sousa (Enver Gjokaj, de Dollhouse) apporte un contrepoids bienvenu à ses affreux collègues des cavernes. De plus, il est amputé suite à la guerre, et doit lui aussi trouver une place dans cette société qui ne lui en laisse pas. Sa façon de gérer la chose est un parallèle intéressant à celle de Carter… *wink wink*
Quant aux « méchants », si la profondeur de certains est à peu près équivalente à celle de la Mer d’Aral, ils n’en demeurent pas moins inquiétants (voire carrément psychopathes), et l’un d’entre eux offre un miroir sympathique à l’agent Carter.
Toute cette petite troupe permet des interactions et des dialogues agréables, et fait complètement oublier le légèreté de l’intrigue, le tout dans un décor assez bien rendu : la série fait un travail plutôt honnête dans la reconstitution de la période : les costumes, les coiffures, les décors, le maquillage, la musique, ainsi que les thèmes abordés, nous plongent sans problème dans les années 40.
Evidemment, le sexisme ordinaire joue un rôle important comme part de ce décor, et, globalement, est assez bien rendu : de la condescendance des collègues de Peggy, à la muflerie tranquille des clients de l’automat où elle a ses habitudes, en passant par les remarques de sa logeuse (« une femme ne devrait travailler que jusqu’à ce qu’elle se trouve un mari »… lol), c’est toujours présent, et permet un certain humour : le décalage entre ce que la société attend des femmes et leurs réelles capacités, incarnées par Peggy, marche à tous les coups. Surtout quand elle s’en sert pour surprendre l’ennemi.
Et quand la mise en scène décide de mettre en parallèle Les Aventures Radiophoniques de Captain America (dans lesquelles il sauve sans arrêt une infirmière inutile de nom de Betty Carver) et une scène d’action dans laquelle Peggy fracasse du margoulin, c’est vraiment très drôle.
Ce sexisme ordinaire rend également certaines scènes insupportables d’injustice, ces dernières faisant un excellent travail pour nous faire ressentir la frustration de Carter.
Certains ont pu reprocher à la série d’en faire un peu trop sur le sujet. Il n’en est rien. On est en 1946, période pendant laquelle les femmes étaient généralement considérées au mieux comme d’éternelles mineures, au pire comme des objets, mais certainement pas comme les égales des hommes. En revanche, l’héroïne n’étant pas un homme, la série, fatalement, met en lumière cette discrimination, la rendant particulièrement visible.
Globalement, Agent Carter fait un bon travail : on a des personnages attachants, de bons acteurs, une atmosphère crédible, des scènes d’action punchy, et comme la série doit se contenter de huit épisodes, le rythme est soutenu, tout en ménageant des temps de pause, grâce à l’humour ou à l’introspection.
Sans oublier les clins d’œil au MCU : impossible d’en parler sans spoiler, mais certains personnages trouvent ici leurs racines, et d’autres font des caméos prometteurs, si la série est renouvelée.
Maiiiis tout n’est pas parfait.
Si le sexisme n’est pas tellement exagéré et se justifie, il y a une chose qui n’est justifiée par rien : la bêtise crasse des collègues de Carter. A l’exception de Sousa (mais Sousa n’est pas vraiment un homme selon la définition de l’époque, puisqu’il lui manque une jambe), les agents de la SSR, du moins dans les deux premiers épisodes, sont parfaitement crétins. Et heureusement qu’on peut être intelligent en étant macho, sinon l’Humanité en serait encore à manger des racines et à chasser les lapins au lance-pierre. Rien n’explique que l’agent Thompson et le Chef Dooley soient aussi stupides, si ce n’est qu’il fallait que la SSR devienne rapidement un antagoniste.
Car bizarrement, dès que Peggy est obligée de travailler complètement dans leur dos, les mâles retrouvent une bonne partie de leurs neurones : ça sent très fort le raccourci scénaristique.
C’est tout pourri, pour au moins deux raisons.
La première, c’est qu’en faisant passer les hommes pour des imbéciles (ce qui n’est déjà pas très gentil pour eux), ça diminue d’autant la force de Peggy : au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, et être plus intelligente qu’un tas d’abrutis, ce n’est pas bien difficile.
La deuxième, c’est qu’en ayant autant grossi le trait d’entrée de jeu, il est très compliqué pour la série, malgré ses efforts, de nous les rendre sympathiques par la suite. Il n’y a que huit épisodes, et quand vous en avez passé deux à décrire les agents du SSR comme de sombres idiots, les six restant ont bien du mal à corriger le tir : le mal est déjà fait.
Autre défaut de la mini-série : son intrigue. Comme dit plus haut, elle est convenue, et efficace pour apporter un rythme à l’ensemble.
Cependant, alors que ça commençait comme un vaste complot au sein duquel Stark ne serait qu’un moyen pour accéder à une fin avec un minimum d’envergure, on se retrouve avec une histoire bien plus personnelle. Ce n’est pas forcément décevant en soi (même si du coup, c’est un peu cliché), mais le changement d’échelle se fait de façon assez floue, et si l’on y regarde de plus près, ça tient aussi bien la route qu’une 2 CV par temps de pluie.
Après, il est vrai aussi que certaines questions restent sans réponse, peut-être en vue d’une seconde saison, et qu’appartenant au MCU, la série ne pouvait peut-être pas se permettre de voir trop grand pour son intrigue.
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Malgré ses défauts, Agent Carter n’en demeure pas moins une série tout à fait plaisante : les acteurs sont bons, les personnages attachants, il y a de l’humour, de l’action, des clins d’œil, des relations sincères et touchantes (y compris entre personnes de sexes opposés !)… Un ensemble tout à fait divertissant, dans le sens le plus positif du terme. Et puis, une série sympathique avec un personnage principal qui n’est pas un homme blanc hétérosexuel, on ne va pas cracher dessus.
A ce jour, la série n’a pas encore été renouvelée, et comme les audiences étaient (de façon surprenante) assez moyennes, nul ne sait si elle le sera. Ici, on espère sincèrement que oui.
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